Il fait chaud à Chennai, trop chaud pour s’installer
devant l’ordinateur d’où la rareté de billets sur Good Morning Chennai depuis
mon retour, il y a 15 jours.
« Mam, cette semaine c’était la « semaine de
feu », aujourd’hui, c’est la fin de l’été et à partir de demain la
température va baisser petit à petit, c’est le « old man » qui me l’a
dit » m’a annoncé Jayanthi en arrivant ce matin.
Partout dans le monde, il y a toujours un
« ancien » pour prédire la météo, pour annoncer la vague de froid ou la canicule… Aujourd’hui,
d’après le Times of India, le mercure devrait atteindre 43 °C à l’ombre et ne
pas pouvoir redescendre en-dessous de 38°C.
Il fait chaud à Chennai surtout que dans notre maison,
les climatiseurs ne fonctionnent réellement que depuis deux semaines, mais pas
tous et pas en même temps. Heureusement, pour le moment, nous pouvons envisager
de dormir au sec sans nous réveiller en pleine nuit, hagards, terrassés par la
chaleur et nageant dans une mare d’eau.
Depuis trois mois, plusieurs groupes d’électriciens (ils
se déplacent en général par trois) ont défilé devant cette maudite armoire
électrique. Nous avons eu le droit aux hypothèses les plus rocambolesques et
improbables sur la ou les causes de pannes. Je ne compte plus le nombre de
marches des trois étages que nous avons descendues et remontées dans une chaleur
torride, le chauffeur, le jardinier, la bonne et moi pour hurler à l’expert
resté en bas à tripoter les branchements : "ça ne marche pas".
Enfin, il y a deux semaines, notre sauveur est arrivé,
enfin, un électricien digne de ce nom a donné un diagnostic très simple que
tous les autres n’avaient pas ou n’avaient pas voulu entrevoir : l’installation
électrique a été mal faite ! On s’en serait douté ! Mais depuis son
passage, la situation s’est améliorée.
L’ingénieur en chef de la TNEB m’avait bien avertie qu’à
partir de 18 heures, il y aurait des problèmes… et bien, il ne s’est pas trompé
car à l’heure où je vous écris, chers lectrices et lecteurs, il est 19 heures
et je transpire à grosses gouttes devant mon ordi car ce soir, la clim du
bureau très capricieuse disjoncte toutes les cinq minutes. Sachant que pour
remettre le disjoncteur du stabilizer attitré à la « computer room »,
il faut redescendre (et remonter surtout au retour) une vingtaine de marches,
marcher à tâtons dans la nuit en bravant les multiples bestioles qui rôdent tels
nos amis les serpents, plonger la main dans l’armoire électrique et pousser
l’interrupteur défectueux vers le haut parmi un imbroglio de fils au risque de
s’électrocuter et de s’illuminer tel un sapin de Noël.
Avant d’arriver en Inde, je ne savais pas ce qu’était un
stabilizer, maintenant je sais : C’est une petite boîte miraculeuse qui
permet de réguler les fluctuations de courant. Sans cette petite boîte, vous
n’avez aucun espoir d’obtenir un courant à peu près normal… Et encore. Notre
riche propriétaire, avare de ses roupies, comme la plupart des riches
propriétaires à quelques exceptions près, n’a pas voulu nous mettre un
stabilizer central donc nous avons dans notre armoire électrique, une forêt de
petits stabilizers, un par climatiseur.
D’autre part, les spots de la cuisine clignotent à vitesse
stroboscopique : J’ai l’impression de faire cuire l’omelette du soir devant la
table de mixage d’une boîte de nuit et il ne manque plus qu'un cd
danse de David Guetta pour compléter l’ambiance.
Je ne résiste pas à l’envie de vous mettre la photo, vous
savez la petite photo qui rend crédible l’histoire !
Mis à part ces petits détails qui m’occupent presque à plein
temps, nous nous plaisons beaucoup dans notre maison.
Il fait chaud à Chennai et depuis un mois, la piscine
était inutilisable car le moteur de la pompe est tombé en panne. Un matin, j’ai
retrouvé le "swimming pool man" de notre maison planté sur la
margelle, perplexe devant la couleur verte pomme granny Smith de l'eau ! Depuis
ce jour de début mai, nous avons harcelé la propriétaire et ses trois managers
pour qu’il remette l’installation en état afin que nous puissions nous adonner
aux joies aquatiques tout à fait légitimes par cette chaleur… Le moteur a été
changé deux fois. Entre temps, une partie du compteur a brûlé, le pisciniste, arguant du fait que la propriétaire ne le payait pas, n'a pas chloré la piscine et j'en passe...
Pour finir, samedi soir, nous avons eu le droit, autour
de la piscine, au tournage d’un film bollywoodien dont le titre aurait pu être «Délire
autour d’une piscine à Chennai» avec dans leurs rôles respectifs, la
propriétaire, ses trois drivers-managers, les trois plombiers et le pisciniste.
Dans les rôles de traducteurs et voix-off, mon chauffeur et le jardinier et dans
les rôles des pauvres occidentaux ahuris qui ne peuvent pas placer un mot, vous l'aurez deviné, JM
et moi. Tous parlaient en même temps… que dis-je, hurlaient en même temps !
Je sais maintenant pourquoi des milliers de films sortent tous les ans en
Inde : tous les indiens sont des acteurs innés !
Bilan : la propriétaire a viré sur le champ le pisciniste absent et promut celui qui était présent, a dit aux plombiers qu'ils étaient incapables et ne leur a payé que la moitié de leur facture, a vociféré après ses trois managers drivers pour leur incompétence à trouver de bons plombiers, a vociféré après notre chauffeur et notre jardinier parce qu'ils se mêlaient de ce qui ne les regardait pas et nous a signifié qu'elle en avait marre de dépenser de l'argent dans cette maison. Incredible India !
Il fait chaud à Chennai et j’ai lu dans le journal qu’une
mesure gouvernementale interdit depuis la semaine dernière la pose de films
anti-soleil sur les voitures. Une ordonnance du tribunal a admis sur une
plainte de je ne sais qui, pour une question de sécurité civile, que les films
sur les vitres des voitures encourageaient les criminels et les activités
criminelles ! Les délinquants se déplaçant à bord d’une voiture n’ont qu’à
bien se tenir, ils seront visibles maintenant.
Des panneaux ont été installés dans la ville pour
signaler cette nouvelle règlementation et à partir de ce lundi, les
amendes vont pleuvoir, prévient un officier de police interrogé par le Times of
India : 100 roupies (1.50 €) pour la première infraction et ensuite 300
roupies.
« En dernier recours contre le contrevenant, la
police mobilisant des ressources enlèvera, elle-même les films sur place ! »
ajoute le policier interrogé. Sachant qu’il en coûte environ 450 roupies pour
faire enlever les films dans une boutique spécialisée, il risque d’y avoir de l’attente
aux barrages de police.
« Nous vendons quand même des films transparents
verts, plus clairs. Ils sont interdits également mais peuvent échapper à la vigilance des policiers et
protègent un peu de la chaleur mais pas de la lumière » ajoute un
commerçant furieux de ce manque à gagner.
Une femme interrogée, regrette cette décision :
« Sans vitres teintées, les délinquants vont me voir dans ma voiture et
je risque d’être agressée quand je rentre la nuit. »
Moi, j’aimais bien être à l’abri derrière ces films qui
masquaient complètement l’intérieur de la voiture et me permettait de profiter,
à loisir, du spectacle de la rue, de scruter les visages, de prendre des photos
insolites. Ce jeudi, j’ai eu la surprise de croiser les regards de tous les piétons
qui frôlaient la voiture, des conducteurs de vélos, de motos, de rickshaws, de
chars à bœufs et même des vaches. Mon chauffeur, très respectueux des lois
avait déjà enlevé les films.
Une autre mesure annoncée dans le Times of India du 24
mai, la hausse de 10 % du prix du pétrole à la pompe ne réjouissant personne en
Inde.
Il fait chaud à Chennai et depuis cinq jours, c’est la
pénurie de pétrole et d’essence … On pourrait penser à un stockage excessif
avant la hausse, cela a même été évoqué par les journalistes…
Mais non, à priori, d’après les autorités
gouvernementales, c’est d’une part un arrêt non planifié en avril de deux
raffineries qui ont dû interrompre leurs activités à cause d’une pénurie d’eau et
d’autre part une consommation accrue pour alimenter les générateurs qui entrainent l’absence de diesel à la
pompe. Et le manque entrainant le stockage, la pénurie a gagné vendredi les 300
pompes de Chennai étaient vides.
Il faut dire que les coupures d’électricité se font de
plus en plus nombreuses et c’est l’été
et le mois le plus chaud de l’année. La température ne descend plus en-dessous
de 38°C et dépasse chaque jour 40°C. Il est tentant de mettre le générateur en
route pour alimenter les climatiseurs… Aujourd’hui, c’était notre jour mensuel
de coupure totale entre 9h du matin et 17h… sans compter les microcoupures de
ce soir.
Ce matin, mon chauffeur m’a annoncé qu’il n’avait pas
dormi la nuit ou plutôt qu’il avait dormi au pied d’une station essence qui
devait être approvisionnée. A trois heures du matin, il a pu faire le plein…
Dans le Times of India de ce matin, nous apprenons que
des navires citernes transportant 67.000
kilolitres devaient atteindre le port de Chennai aujourd’hui mais qu’il faudra
des livraisons régulières sur plusieurs jours pour revenir à un rythme normal.
Des dizaines de voitures
stationnent à la queue leu leu le long des routes car il est interdit de
venir prendre de l'essence avec sa voiture.
Chaque conducteur doit se munir d’un jerricane de 25 litres et le
remplir à la
pompe, efficace pour le rationnement. Les stations sont surveillées par
la police et l’ambiance est chaude
sachant qu’un indien, par définition, ne sait pas attendre son tour dans
une
file !
Récession entraine bien sûr marché noir et dans
certains quartiers, des petits malins qui avaient du stock vendent l’essence et le diesel à prix d’or.
Beaucoup d’entreprises demandent à leurs salariés de
rester chez eux. Les livraisons, notamment en eau potable pour ceux qui n’ont
pas l’eau courante, ne se font plus. La situation sanitaire peut dégénérer très
vite. Les générateurs ne peuvent plus fonctionnent entraînant l’immobilisation
de toutes les machines pendant les coupures de courant.
Toujours dans le journal, les commerçants du marché de
Koyambedu annoncent une hausse du prix
des légumes qui ne peuvent plus être transportés.
Mais comment peuvent s’en sortir les indiens les plus
pauvres avec toutes ces hausses successives ? Mal ! J’ai questionné Jayanthi à
ce sujet et je vous en parlerai la prochaine fois.
Le marché de Koyambedu, immense complexe de 295 hectares,
regroupe plus de 1000 magasins de gros et de détail. Une usine de
bio-méthanisation, inaugurée en 2006, fournit l’électricité au marché à partir
des déchets de légumes et fruits recyclés. Un mauvais entretien a stoppé l’usine
en 2008 qui a redémarré en avril 2011. L’usine est en attente d’une
autorisation de la TNEB (EDF local) pour fournir de l’électricité au réseau.
Parmi les 150 tonnes de déchets générés quotidiennement, 50 tonnes sont prélevées
pour le compostage.
D’importants travaux sont prévus pour augmenter la
structure, notamment la création de drains d’eaux pluviales et l’élargissement
des routes pour l’accès aux camions. L’Inde veut en en faire l’un des plus
grands marchés de produits périssables de l’Asie.
Des marchés de textile et de céréales alimentaires sont
prévus dans les années futures. Aujourd’hui, il y aurait 100 000 visiteurs
par jour (source internet).
Je n’ai visité que le marché aux fleurs et aux fruits. C’était
un plaisir de se balader dans ce marché couvert, les commerçants sont très
accueillants et vous sollicitent pour les prendre en photo. J’ai promis de
rapporter les tirages. J'ai rencontré
toute la gentillesse, le sourire, la bonne humeur des indiens, ces
indiens qui vous font aimer l'Inde.
Il fait chaud à Chennai, trop chaud pour que je relise mon billet... A très bientôt