Proverbe indien : Tout européen qui vient en Inde acquiert de la patience s'il n'en a pas et la perd s'il en a.


mardi 29 mai 2012

Chaleur, pénurie et marché de Koyambedu




Il fait chaud à Chennai, trop chaud pour s’installer devant l’ordinateur d’où la rareté de billets sur Good Morning Chennai depuis mon retour, il y a 15 jours.

« Mam, cette semaine c’était la « semaine de feu », aujourd’hui, c’est la fin de l’été et à partir de demain la température va baisser petit à petit, c’est le « old man » qui me l’a dit » m’a annoncé Jayanthi en arrivant ce matin.
Partout dans le monde, il y a toujours un « ancien » pour prédire la météo, pour annoncer la vague de froid ou la canicule… Aujourd’hui, d’après le Times of India, le mercure devrait atteindre 43 °C à l’ombre et ne pas pouvoir redescendre en-dessous de 38°C.

Il fait chaud à Chennai surtout que dans notre maison, les climatiseurs ne fonctionnent réellement que depuis deux semaines, mais pas tous et pas en même temps. Heureusement, pour le moment, nous pouvons envisager de dormir au sec sans nous réveiller en pleine nuit, hagards, terrassés par la chaleur et nageant dans une mare d’eau. 

Depuis trois mois, plusieurs groupes d’électriciens (ils se déplacent en général par trois) ont défilé devant cette maudite armoire électrique. Nous avons eu le droit aux hypothèses les plus rocambolesques et improbables sur la ou les causes de pannes. Je ne compte plus le nombre de marches des trois étages que nous avons descendues et remontées dans une chaleur torride, le chauffeur, le jardinier, la bonne et moi pour hurler à l’expert resté en bas à tripoter les branchements : "ça ne marche pas". 

Enfin, il y a deux semaines, notre sauveur est arrivé, enfin, un électricien digne de ce nom a donné un diagnostic très simple que tous les autres n’avaient pas ou n’avaient pas voulu entrevoir : l’installation électrique a été mal faite ! On s’en serait douté ! Mais depuis son passage, la situation s’est améliorée. 

L’ingénieur en chef de la TNEB m’avait bien avertie qu’à partir de 18 heures, il y aurait des problèmes… et bien, il ne s’est pas trompé car à l’heure où je vous écris, chers lectrices et lecteurs, il est 19 heures et je transpire à grosses gouttes devant mon ordi car ce soir, la clim du bureau très capricieuse disjoncte toutes les cinq minutes. Sachant que pour remettre le disjoncteur du stabilizer attitré à la « computer room », il faut redescendre (et remonter surtout au retour) une vingtaine de marches, marcher à tâtons dans la nuit en bravant les multiples bestioles qui rôdent tels nos amis les serpents, plonger la main dans l’armoire électrique et pousser l’interrupteur défectueux vers le haut parmi un imbroglio de fils au risque de s’électrocuter et de s’illuminer tel un sapin de Noël. 

Avant d’arriver en Inde, je ne savais pas ce qu’était un stabilizer, maintenant je sais : C’est une petite boîte miraculeuse qui permet de réguler les fluctuations de courant. Sans cette petite boîte, vous n’avez aucun espoir d’obtenir un courant à peu près normal… Et encore. Notre riche propriétaire, avare de ses roupies, comme la plupart des riches propriétaires à quelques exceptions près, n’a pas voulu nous mettre un stabilizer central donc nous avons dans notre armoire électrique, une forêt de petits stabilizers, un par climatiseur.
D’autre part, les spots de la cuisine clignotent à vitesse stroboscopique : J’ai l’impression de faire cuire l’omelette du soir devant la table de mixage d’une boîte de nuit et il ne manque plus qu'un cd danse de David Guetta pour compléter l’ambiance.

Je ne résiste pas à l’envie de vous mettre la photo, vous savez la petite photo qui rend crédible l’histoire !







Mis à part ces petits détails qui m’occupent presque à plein temps, nous nous plaisons beaucoup dans notre maison.

Il fait chaud à Chennai et depuis un mois, la piscine était inutilisable car le moteur de la pompe est tombé en panne. Un matin, j’ai retrouvé le "swimming pool man" de notre maison planté sur la margelle, perplexe devant la couleur verte pomme granny Smith de l'eau ! Depuis ce jour de début mai, nous avons harcelé la propriétaire et ses trois managers pour qu’il remette l’installation en état afin que nous puissions nous adonner aux joies aquatiques tout à fait légitimes par cette chaleur… Le moteur a été changé deux fois. Entre temps, une partie du compteur a brûlé, le pisciniste, arguant du fait que la propriétaire ne le payait pas, n'a pas chloré la piscine et j'en passe...

Pour finir, samedi soir, nous avons eu le droit, autour de la piscine, au tournage d’un film bollywoodien dont le titre aurait pu être «Délire autour d’une piscine à Chennai»  avec dans leurs rôles respectifs, la propriétaire, ses trois drivers-managers, les trois plombiers et le pisciniste. Dans les rôles de traducteurs et voix-off, mon chauffeur et le jardinier et dans les rôles des pauvres occidentaux ahuris qui ne peuvent pas placer un mot, vous l'aurez deviné, JM et moi. Tous parlaient en même temps… que dis-je, hurlaient en même temps ! Je sais maintenant pourquoi des milliers de films sortent tous les ans en Inde : tous les indiens sont des acteurs innés !   

Bilan : la propriétaire a viré sur le champ le pisciniste absent et promut celui qui était présent, a dit aux plombiers qu'ils étaient incapables et ne leur a payé que la moitié de leur facture, a vociféré après ses trois managers drivers pour leur incompétence à trouver de bons plombiers, a vociféré après notre chauffeur et notre jardinier parce qu'ils se mêlaient de ce qui ne les regardait pas et nous a signifié qu'elle en avait marre de dépenser de l'argent dans cette maison. Incredible India !


Il fait chaud à Chennai et j’ai lu dans le journal qu’une mesure gouvernementale interdit depuis la semaine dernière la pose de films anti-soleil sur les voitures. Une ordonnance du tribunal a admis sur une plainte de je ne sais qui, pour une question de sécurité civile, que les films sur les vitres des voitures encourageaient les criminels et les activités criminelles ! Les délinquants se déplaçant à bord d’une voiture n’ont qu’à bien se tenir, ils seront visibles maintenant.

Des panneaux ont été installés dans la ville pour signaler cette nouvelle règlementation et à partir de ce lundi, les amendes vont pleuvoir, prévient un officier de police interrogé par le Times of India : 100 roupies (1.50 €) pour la première infraction et ensuite 300 roupies.
« En dernier recours contre le contrevenant, la police mobilisant des ressources enlèvera, elle-même les films sur place ! » ajoute le policier interrogé. Sachant qu’il en coûte environ 450 roupies pour faire enlever les films dans une boutique spécialisée, il risque d’y avoir de l’attente aux barrages de police.

« Nous vendons quand même des films transparents verts, plus clairs. Ils sont interdits également mais peuvent  échapper à la vigilance des policiers et protègent un peu de la chaleur mais pas de la lumière » ajoute un commerçant furieux de ce manque à gagner.
Une femme interrogée, regrette cette décision : «  Sans vitres teintées, les délinquants vont me voir dans ma voiture et je risque d’être agressée quand je rentre la nuit. »

Moi, j’aimais bien être à l’abri derrière ces films qui masquaient complètement l’intérieur de la voiture et me permettait de profiter, à loisir, du spectacle de la rue, de scruter les visages, de prendre des photos insolites. Ce jeudi, j’ai eu la surprise de croiser les regards de tous les piétons qui frôlaient la voiture, des conducteurs de vélos, de motos, de rickshaws, de chars à bœufs et même des vaches. Mon chauffeur, très respectueux des lois avait déjà enlevé les films.

Une autre mesure annoncée dans le Times of India du 24 mai, la hausse de 10 % du prix du pétrole à la pompe ne réjouissant personne en Inde.
Il fait chaud à Chennai et depuis cinq jours, c’est la pénurie de pétrole et d’essence … On pourrait penser à un stockage excessif avant la hausse, cela a même été évoqué par les journalistes… 

Mais non, à priori, d’après les autorités gouvernementales, c’est d’une part un arrêt non planifié en avril de deux raffineries qui ont dû interrompre leurs activités à cause d’une pénurie d’eau et d’autre part une consommation accrue pour alimenter les générateurs  qui entrainent l’absence de diesel à la pompe. Et le manque entrainant le stockage, la pénurie a gagné vendredi les 300 pompes de Chennai étaient vides.

Il faut dire que les coupures d’électricité se font de plus en plus nombreuses et c’est  l’été et le mois le plus chaud de l’année. La température ne descend plus en-dessous de 38°C et dépasse chaque jour 40°C. Il est tentant de mettre le générateur en route pour alimenter les climatiseurs… Aujourd’hui, c’était notre jour mensuel de coupure totale entre 9h du matin et 17h… sans compter les microcoupures de ce soir.

Ce matin, mon chauffeur m’a annoncé qu’il n’avait pas dormi la nuit ou plutôt qu’il avait dormi au pied d’une station essence qui devait être approvisionnée. A trois heures du matin, il a pu faire le plein…

Dans le Times of India de ce matin, nous apprenons que des navires citernes  transportant 67.000 kilolitres devaient atteindre le port de Chennai aujourd’hui mais qu’il faudra des livraisons régulières sur plusieurs jours pour revenir à un rythme normal. 

Des dizaines de voitures stationnent à la queue leu leu le long des routes car il est interdit de venir prendre de l'essence avec sa voiture. Chaque conducteur doit se munir d’un jerricane de 25 litres et le remplir à la pompe, efficace pour le rationnement. Les stations sont surveillées par la police et l’ambiance est chaude sachant qu’un indien, par définition, ne sait pas attendre son tour dans une file !

Récession entraine bien sûr marché noir et dans certains quartiers, des petits malins qui avaient du stock vendent l’essence et le diesel à prix d’or.

Beaucoup d’entreprises demandent à leurs salariés de rester chez eux. Les livraisons, notamment en eau potable pour ceux qui n’ont pas l’eau courante, ne se font plus. La situation sanitaire peut dégénérer très vite. Les générateurs ne peuvent plus fonctionnent entraînant l’immobilisation de toutes les machines pendant les coupures de courant.

Toujours dans le journal, les commerçants du marché de Koyambedu annoncent  une hausse du prix des légumes qui ne peuvent plus être transportés.

Mais comment peuvent s’en sortir les indiens les plus pauvres avec toutes ces hausses successives ? Mal ! J’ai questionné Jayanthi à ce sujet et je vous en parlerai la prochaine fois.

Le marché de Koyambedu, immense complexe de 295 hectares, regroupe plus de 1000 magasins de gros et de détail. Une usine de bio-méthanisation, inaugurée en 2006, fournit l’électricité au marché à partir des déchets de légumes et fruits recyclés. Un mauvais entretien a stoppé l’usine en 2008 qui a redémarré en avril 2011. L’usine est en attente d’une autorisation de la TNEB (EDF local) pour fournir de l’électricité au réseau. Parmi les 150 tonnes de déchets générés quotidiennement, 50 tonnes sont prélevées pour le compostage.

D’importants travaux sont prévus pour augmenter la structure, notamment la création de drains d’eaux pluviales et l’élargissement des routes pour l’accès aux camions. L’Inde veut en en faire l’un des plus grands marchés de produits périssables de l’Asie. 

Des marchés de textile et de céréales alimentaires sont prévus dans les années futures. Aujourd’hui, il y aurait 100 000 visiteurs par jour (source internet).












































Je n’ai visité que le marché aux fleurs et aux fruits. C’était un plaisir de se balader dans ce marché couvert, les commerçants sont très accueillants et vous sollicitent pour les prendre en photo. J’ai promis de rapporter les tirages. J'ai rencontré toute la gentillesse, le sourire, la bonne humeur des indiens, ces indiens qui vous font aimer l'Inde.


Il fait chaud à Chennai, trop chaud pour que je relise mon billet... A très bientôt