Nous sortons
de l’aéroport, cueillis par une chaleur humide et torride que nous avions
oubliée, cette chaleur dont on se dit que jamais on ne pourra la supporter plus
d’une journée. Et là, toujours la même foule compacte, quelle que soit l’heure
d’arrivée, agglutinée derrière les barrières de part et d’autre de l’allée, une
foule composée essentiellement de chauffeurs professionnels vêtus de blanc
accentuant le contraste avec leurs visages sombres. Les conducteurs en pagne et
chemisette sont là aussi pour proposer le retour en rickshaws et quelques
femmes en saris et des enfants venus probablement accueillir de la famille.
Là, accrochés à votre caddy débordant de
valises, abrutis par la chaleur, le bruit et les heures d’avion sans dormir, vous
ralentissez pour laisser le temps à votre regard de rebondir désespérément sur les visages aux
yeux noirs, presque menaçants, pour reconnaître celui de votre sauveur, celui à
qui vous avez confié la mission de vous accueillir.
Nos deux
chauffeurs que nous n’avions pas encore repérés, souriant de toutes leurs
dents, s'extirpent en courant de la foule épaisse et bondissent déjà sur notre
demi-douzaine de valises chargées à bloc, notamment de denrées introuvables
comme par exemple, le précieux liquide rouge, rose ou blanc qui permet de nous
remonter le moral parfois en baisse devant les particularités de la vie
indienne…
Je lui avais précisé également qu’elle
n’était pas obligée de venir à temps plein… Sur ce dernier point, au vu de l'état dans lequel nous avons retrouvé la maison, j'ai tout de suite compris qu'elle m'avait prise au mot.
Avant de
partir en juin, j’avais des rideaux aux fenêtres, maintenant j’ai des
serpillères ! A rayures… Mais des serpillères.
« Que
s’est-il passé avec les rideaux du salon, vous voyez bien qu’il y a un
problème? » ais-je demandé le lendemain de mon arrivée après avoir absorbé
quelque peu le décalage horaire.
Non, elle ne
voyait pas et à son sourire lumineux, je compris qu’elle était plutôt très
fière de m’annoncer : « Mam, en faisant les carreaux, j’ai trouvé que
les rideaux étaient sales alors je les ai mis dans la machine à laver, ils sont
bien propres maintenant, j’en ai lavé deux par jour ».
Peut-être un
léger doute lui a fait ajouter : « Mais je ne comprends pas,
j’ai essayé de les repasser longtemps mais ils restent fripés, le fer ne marche
pas bien, mam ».
« Mais
Jayanthi, je vous ai déjà dit que c’était moi qui m’occupais du linge, les
doubles-rideaux ne se lavent pas à l’eau, vous voyez bien là, l’étiquette, c’est noté « dry clean » et
vous n’avez pas vu en lavant les deux premiers qu’il y avait un problème».
Après avoir
louché sur l’étiquette, ses yeux étonnés se portent sur les serpillères pendouillant
aux fenêtres et ensuite sur moi avec un regard qui en disait long, du genre
« ils sont très bien ces rideaux, elle n’est jamais contente,
celle-là ».
« Mais mam, ils étaient sales et je ne
savais pas ! » et se souvenant d’une autre de ses initiatives qu’elle
espérait sans doute bonne cette fois-ci, elle renchérit « J’ai lavé aussi
les housses de coussins du canapé beige, elles étaient sales aussi mam».
A ce moment,
je découvre le dit canapé qui fut beige et les bras m'en tombent : « mais on ne peut pas les
laver non plus à l’eau et pourquoi il y a des trainées rouges, vous n’avez tout
de même pas lavé aussi mes beaux coussins en soie (achetés à prix d’or avec le sofa dans la
seule boutique sympa de déco de Chennai) ? »
Une main
devant la bouche, les yeux ronds, elle commence à s’excuser : « ha
Mam, sorry, sorry, sorry, je les ai lavés ensemble, j’ai oublié qu’il fallait séparer
le blanc des couleurs ».
Etait-il
nécessaire que je lui précise que le canapé et les coussins
en soie ne se lavaient pas à l’eau et surtout pas dans la machine à laver, et
encore moins à 60 °C … surement non mais je l’ai fait quand même rien que pour
moi, pour me faire du bien ou du mal, je ne sais plus…
Et elle
ajoute, contrite : « Par contre, je n’ai pas eu le temps de laver les
rideaux des chambres ! ».
Qui dois remercier de l'avoir stoppée dans ses initiatives ?
"Jayanthi, à
partir de maintenant, don’t touch the washing-machine et pas de décision sans m'en parler avant !"
"Yes mam !"
"Yes mam !"
Voilà, il y
a deux centimètres de poussière partout, la maison est sale mais les rideaux, le canapé
et les coussins en soie sont propres. Puis-je me plaindre ?
Et ce n’était pas tout…
Et ce n’était pas tout…
Essais de travelling....
Portable autorisé aux conducteurs de boeufs