Proverbe indien : Tout européen qui vient en Inde acquiert de la patience s'il n'en a pas et la perd s'il en a.


vendredi 10 août 2012

Chennai, le retour




Nous sortons de l’aéroport, cueillis par une chaleur humide et torride que nous avions oubliée, cette chaleur dont on se dit que jamais on ne pourra la supporter plus d’une journée. Et là, toujours la même foule compacte, quelle que soit l’heure d’arrivée, agglutinée derrière les barrières de part et d’autre de l’allée, une foule composée essentiellement de chauffeurs professionnels vêtus de blanc accentuant le contraste avec leurs visages sombres. Les conducteurs en pagne et chemisette sont là aussi pour proposer le retour en rickshaws et quelques femmes en saris et des enfants venus probablement accueillir de la famille.

Là, accrochés à votre caddy débordant de valises, abrutis par la chaleur, le bruit et les heures d’avion sans dormir, vous ralentissez pour laisser le temps à votre regard de rebondir désespérément sur les visages aux yeux noirs, presque menaçants, pour reconnaître celui de votre sauveur, celui à qui vous avez confié la mission de vous accueillir. 

Nos deux chauffeurs que nous n’avions pas encore repérés, souriant de toutes leurs dents, s'extirpent en courant de la foule épaisse et bondissent déjà sur notre demi-douzaine de valises chargées à bloc, notamment de denrées introuvables comme par exemple, le précieux liquide rouge, rose ou blanc qui permet de nous remonter le moral parfois en baisse devant les particularités de la vie indienne…

Chennai, le retour dans la ville de toutes les aventures, sur cette autre planète qu’est l’Inde. Nous avons retrouvé notre maison indienne, confiée aux bons soins de notre fine équipe pendant tout le mois de juillet. Cédant aux prières de Jayanthi, la maid, qui ne voulait pas rester chez elle, même avec son salaire versé intégralement, je lui avais confié les clés et la tâche de faire un ménage de printemps ou d’été afin que nous rentrions dans une maison proprette en lui précisant qu’il était temps de laver les carreaux, nombreux certes dans cette maison, mais à travers desquels il n’était plus possible d’admirer notre joli jardin depuis un bon moment. 

Je lui avais précisé également qu’elle n’était pas obligée de venir à temps plein… Sur ce dernier point, au vu de l'état dans lequel nous avons retrouvé la maison, j'ai tout de suite compris qu'elle m'avait prise au mot.
Avant de partir en juin, j’avais des rideaux aux fenêtres, maintenant j’ai des serpillères ! A rayures… Mais des serpillères.

« Que s’est-il passé avec les rideaux du salon, vous voyez bien qu’il y a un problème? » ais-je demandé le lendemain de mon arrivée après avoir absorbé quelque peu le décalage horaire.

Non, elle ne voyait pas et à son sourire lumineux, je compris qu’elle était plutôt très fière de m’annoncer : « Mam, en faisant les carreaux, j’ai trouvé que les rideaux étaient sales alors je les ai mis dans la machine à laver, ils sont bien propres maintenant, j’en ai lavé deux par jour ».

Peut-être un léger doute lui a fait ajouter : « Mais je ne comprends pas, j’ai essayé de les repasser longtemps mais ils restent fripés, le fer ne marche pas bien, mam ».

« Mais Jayanthi, je vous ai déjà dit que c’était moi qui m’occupais du linge, les doubles-rideaux ne se lavent pas à l’eau, vous voyez bien là, l’étiquette,  c’est noté « dry clean » et vous n’avez pas vu en lavant les deux premiers qu’il y avait un problème». 

Après avoir louché sur l’étiquette, ses yeux étonnés se portent sur les serpillères pendouillant aux fenêtres et ensuite sur moi avec un regard qui en disait long, du genre « ils sont très bien ces rideaux, elle n’est jamais contente, celle-là ». 

 « Mais mam, ils étaient sales et je ne savais pas ! » et se souvenant d’une autre de ses initiatives qu’elle espérait sans doute bonne cette fois-ci, elle renchérit « J’ai lavé aussi les housses de coussins du canapé beige, elles étaient sales aussi mam».

A ce moment, je découvre le dit canapé qui fut beige et les bras m'en tombent : « mais on ne peut pas les laver non plus à l’eau et pourquoi il y a des trainées rouges, vous n’avez tout de même pas lavé aussi mes beaux coussins en soie (achetés à prix d’or avec le sofa dans la seule boutique sympa de déco de Chennai) ? »

Une main devant la bouche, les yeux ronds, elle commence à s’excuser : «  ha Mam, sorry, sorry, sorry, je les ai lavés ensemble, j’ai oublié qu’il fallait séparer le blanc des couleurs ».

Etait-il nécessaire que je lui précise que le canapé et les coussins en soie ne se lavaient pas à l’eau et surtout pas dans la machine à laver, et encore moins à 60 °C … surement non mais je l’ai fait quand même rien que pour moi, pour me faire du bien ou du mal, je ne sais plus…

Et elle ajoute, contrite : « Par contre, je n’ai pas eu le temps de laver les rideaux des chambres ! ». 
Qui dois remercier de l'avoir stoppée dans ses initiatives ?

"Jayanthi, à partir de maintenant,  don’t touch the washing-machine et pas de décision sans m'en parler avant !"

"Yes mam !"

Voilà, il y a deux centimètres de poussière partout,  la maison est sale mais les rideaux, le canapé et les coussins en soie sont propres. Puis-je me plaindre ? 

Et ce n’était pas tout…



Essais de travelling....








 Portable autorisé aux conducteurs de boeufs