Proverbe indien : Tout européen qui vient en Inde acquiert de la patience s'il n'en a pas et la perd s'il en a.


mardi 30 octobre 2012

Sivakumar, le jardinier




Au marché de Pallavaram

Je sais, depuis notre retour cet été, je suis beaucoup moins prolixe sur ce blog, non pas que je n’ai plus rien à dire (ça se saurait !) mais d’autres occupations sont venues interférer dans ma vie indienne. Des occupations saines, je vous rassure : la création d’une association d’accueil et de rencontre pour les francophones de Chennai. Bientôt, lectrices et lecteurs qui arrivez sur mon blog parce que vous cherchez des renseignements sur Chennai, vous pourrez aussi surfer sur un site internet où vous trouverez tout pour vous aider dans votre installation… 
Pour porter chance à notre association, Jayanthi et Mani nous ont fait une pooja très émouvante.

Préparation du pongal, riz caramélisé que tout le monde se partage ensuite servi sur une feuille de bananier



Allumage des mêches
Les offrandes aux Dieux Ganesh et compagnie
 
Au passage, je vous remercie pour votre fidélité, nous avons passé ensemble les 10 000 pages lues sur Good Morning Chennai. Je ne vous cache pas que je suis ravie !
En attendant, futurs résidents à Chennai, vous pouvez demander la newsletter de Chennai Accueil via ce blog. Les membres de l'association sont prêtes à vous accueillir, à vous proposer activités, rencontres, sorties et vous conseiller dans votre installation.

Pour donner des nouvelles qui se sont faites rares depuis plus d’un mois, nous sommes en pleine mousson. Celle-ci a démarré troisième semaine d’octobre par cinq jours de pluie. Depuis, nous alternons jours de soleil et jours de pluie… La température a baissé et oscille entre 26 et 30°C… Enfin, il fait frais ! L’eau de la piscine n’est plus qu’à 29°C, il faut s’habituer ! Si, si,je vous promets, j’ai du mal à y rentrer le matin.




Depuis hier, nous sommes en alerte cyclonique. Le consulat de Pondichéry nous envoie régulièrement des mises en garde, les écoles françaises et indiennes sont fermées. Par contre, l’école américaine est toujours ouverte. Le pic du cyclone prévu à 17h ce soir est reporté demain... Wait and see !
Mais il pleut, il pleut des trombes d’eau... De quoi remplir les réservoirs d'eau du Tamil Nadu.

Donc pour cette deuxième année, contrairement au temps, le moral est au beau fixe. Certes, l’an dernier, la gestion de ma fine équipe me prenait à plein temps et la valse des réparateurs en tout genre ont bien failli m’envoyer dans une maison de fous. La situation s’est nettement améliorée même si de petites pannes dont je vous épargnerai la liste fastidieuse, viennent toujours ponctuer notre quotidien. 

La dernière date de cette semaine et n’est pas encore résolue : le tuyau d’évacuation de la clim de notre chambre s’est soudainement bouché… Ce qui a eu pour effet de nous réveiller brusquement en pleine nuit. En effet, l’eau s’est accumulée dans l’appareil et s’est déversée d’un seul coup… sur nos têtes puisque l’appareil est juste au-dessus. Une vraie douche ! 

A vrai dire, je suis incapable de vous dire par quoi ou par qui je déteste le plus être réveillée : par les meutes de chiens aboyant régulièrement la nuit ? Par l’appel à la prière des muezzins (nous avons deux minarets à proximité) à 4h30 du matin ? Par les musiques et chants des haut-parleurs des temples hindous à 5h du matin ? Par le tintamarre et les cris des villageois qui vivent autour de nous et se lèvent à 5h30 du matin ? Avec un peu de chance, si on arrive à se rendormir, ce ne sera pas au-delà de 7h le week-end… Les meetings politiques et autres fêtes d’anniversaire, mariage ou autres prennent le relais. Si en temps habituel, tous ces bruits sont légèrement masqués par le ronronnement de notre clim (un bruit en cache d’autres), depuis la panne, il en est autrement !

Nous n’avons toujours pas le téléphone mais la collection de clés 3G achetés chez les différents opérateurs remplissent leur rôle. 
La semaine dernière, nous avons fait le Durga Pooja annuel qui consiste à bénir tout le matériel de la maison y compris les voitures. Au vu du nombre de pannes du dit matériel (mis à part les voitures), je pourrais émettre quelques doutes sur l'efficacité de l'opération mais je n'en ferais rien ! Cette cérémonie est tellement importante pour ma fine équipe que nous y assistons religieusement.







Depuis notre retour, j’ai restructuré ma petite entreprise et j’ai fait de la compression de personnel. J’ai un peu moins de monde qui gravite autour de nous : le jardinier est aussi gardien de jour, le gardien de nuit est aussi pisciniste, Jayanthi est toujours là ainsi que nos deux chauffeurs.

Le gardien de nuit a été promu pisciniste car il y a un mois, nous avons craqué ! Celui qui venait pour entretenir la piscine s’arrangeait pour être pile au rendez-vous de notre petit-déj matinal sur la terrasse à 6h45. Nous l’avions donc, tous les matins, se dandinant en pagne à un mètre de nous, braillant dans son téléphone coincé entre son épaule et son oreille et passant l’aspirateur laconiquement d’une main. Au bout de deux mois d’avertissements répétés, un beau matin, nous lui avons demandé de ne pas revenir.

Et maintenant, j’ai instauré une discipline de fer ! Le gardien de nuit/pisciniste doit nettoyer la piscine avant 6h45 du matin, heure à laquelle JM et moi prenons notre petit-déj sur la terrasse. Le nouveau jardinier/gardien de jour qui arrive à 7h30 le matin pour prendre la relève du gardien de nuit/pisciniste a interdiction formelle d’approcher la terrasse de jardin avant 8h30… ce qui me permet de faire ma gym dans la piscine. La tranquillité a un prix !

Mais je vous rassure, ils ont encore de la ressource pour me déstabiliser et les rechutes sont nombreuses.
Nous avons donc un nouveau jardinier/gardien de jour, Ayapeune qui remplace Sivakumar.

Je vous ai déjà parlé de Sivakumar, le jardinier qui travaille chez nous depuis septembre 2011. Quand il s’est présenté la première fois, il était timide, baissant la tête et osant à peine croiser notre regard.

Sivakumar embauché par Jayanthi pour faire la pâte à Chapati




Sivakumar, à qui un gardien de notre ancienne maison avait interdit de boire l'eau des bouteilles que nous fournissions alors qu'il s'éreintait à nettoyer des centaines de m2 de jardin, pendant que ce même gardien restait vautré comme un pacha sur sa chaise, les bourrelets de son ventre débordant de sa chemise dont les boutons menaçaient de vous sauter à la figure d’un moment à l’autre. 
N'osant braver quelqu’un qui, à priori, était supérieur à lui dans l’échelle sociale, Sivakumar se désaltérait, sans rien dire, à l'eau du puits verdâtre jusqu’à ce que Jayanthi m’avertisse…
Sivakumar que nous avions mis un mois et demi en congés payés, tout comme Jayanthi, lors de la recherche de notre nouvelle maison… en leur promettant qu’ils seraient toujours employés chez nous dans notre prochain logement.
Promu gardien de jour et jardinier, il nous avait donc suivis dans notre nouvelle maison avec un jardin aux dimensions plus raisonnables qu’il a bichonné à sa façon.
Je l’emmenais en tournée dans les pépinières avec mon chauffeur, pour choisir de nouvelles fleurs et arbres. Une haie de lauriers rose ici, des bougainvilliers là, des hibiscus ailleurs... c’était bien plus intéressant que d’enlever les mauvaises herbes et balayer les allées !

Il y a quelques mois, je suis tombée en arrêt devant les manguiers et les bananiers.
"Et si on plantait un manguier et des bananiers" lui ai-je dit "Dans combien de temps pourrais-je manger des bananes et des mangues? »
L’air pensif, se grattant la tête, il réfléchit :
« Dans 6 mois, madam » a-t-il répondu pour me faire plaisir.
Sincèrement, au bout de cinq mois, j’ai toujours des doutes sur le fait que nous mangions des fruits d’ici un mois et même avant notre retour définitif en France !

Sivakumar, à qui un matin, j'ai demandé de l'aide pour nettoyer la piscine qui virait au vert granny Smith faute de bons soins de la part du pisciniste parti encore une fois au temple ou en vadrouille dans sa « native place ».

"Sivakumar, vous ne voudriez pas apprendre à nettoyer la piscine et je vous donnerai en supplément le salaire du pisciniste »

« Oh non madam, je ne saurais jamais, c'est trop compliqué pour moi, je ne suis pas assez intelligent !».

« Bien sûr que si, vous pourriez, il faut prendre de l’assurance, vous êtes tout à fait capable d’y arriver, il faut trouver le moyen de gagner plus d’argent ».
 

La jolie femme de Sivakumar

Et bien, Sivakumar m’a prise au mot, il a pris de l’assurance ! Au début du mois de septembre, il m'a annoncé, en se tortillant nerveusement les mains mais la tête bien droite, ses yeux plantés dans les miens et souriant de toutes ses dents.

« Madam, le mois prochain, je vous quitte, je change de travail, je vais vendre des glaces et livrer du lait tous les matins pour un propriétaire ».
J’en suis restée comme deux ronds de flan ! 

« Mais vous êtes sûr que vous allez gagner plus d’argent, vous avez un bon salaire ici et je vous augmente ce mois-ci comme prévu ».
« Yes madam, je vais gagner beaucoup d’argent car je vais livrer du lait tous les matins à partir de 4h30 du matin et ensuite je vendrais des glaces avec ma femme dans la boutique ».
« Mais, vous avez déjà du mal à arriver à 8h30 tous les matins parce que vous voulez prendre le breakfast avec votre femme et vos filles. Le propriétaire du magasin vous a fait un contrat ? Vous êtes sûr qu’il vous paiera correctement ? Il ne vous demande pas d’argent ?».
« Je vous assure madam, le propriétaire est très gentil et m’a dit que ce serait intéressant pour moi. Je pars dans trois semaines et je vais faire venir quelqu’un de mon village pour me remplacer ici ».
« Madam, j’espère que vous viendrez a l'inauguration de ma boutique et vous pourrez dire à toutes vos amies de venir acheter de la glace chez moi »

Rien ne l’a fait changer d’avis, même pas le reste de la fine équipe, qui comme moi était bien dubitative sur la finalité de cette opération.



Donc, fin septembre, Sivakumar est parti vers son nouveau job. Le lendemain, il est venu me voir pour me dire qu’il était en train de repeindre la boutique et me présenter son remplaçant. Un jeune homme qui vient de son village… qui ne parle  malheureusement pas anglais mais petit à petit arrive à remplir son rôle.
Et puis, plus de nouvelles de Sivakumar pendant deux semaines jusqu'à vendredi dernier. Jayanthi que j’ai interrogée a fini par me cracher le morceau.
« Mam, Sivakumar n’a pas pu avoir la boutique, le propriétaire lui a demandé beaucoup trop d’argent. Maintenant, il travaille à la journée dans des jardins mais il doit se lever très tôt et rentre très tard. Il m’a appelé hier et voudrait vous voir mais il n'ose pas vous appeler ».
Sivakumar est donc venu me voir vendredi dernier et m’a demandé de trouver un job dans une autre maison pour son remplaçant pour que lui-même puisse revenir chez nous.

Donc, voilà, maintenant, je fais « Pôle Emploi », je cherche un job pour mon nouveau jardinier pour reprendre l’ancien ! Je serais passée par tous les métiers de l’entreprise !



Devant chez lui alors que nous passions dans la rue

Prochain billet, je vous emmène en voyage... au Sri Lanka