Mani, mon chauffeur
Bonne année à toutes
et à tous où que vous soyez… Good
Morning Chennai est de retour ! Trois semaines passées en France, quelques
problèmes sur le blog m’ont retardé dans mes nouvelles.
Et aux futurs
arrivants, n’oubliez pas que maintenant Chennai Accueil vous accueille !
Et oui, que de temps
passé depuis mon dernier post. Serait-ce parce que tout est calme et paisible ?
Que nenni ! Il nous a fallu quelques jours pour nous remettre dans le bain,
à notre retour… et pas dans la piscine transformée en mare aux canards sans les
canards ! Nous avons hésité entre la transformer en bassin d’agrément en
ajoutant des nénuphars, les grenouilles ayant déjà élu domicile ou bien nous
résoudre à la vider. Nous avons choisi la deuxième solution bien que cela ne
nous enchantait guère de gaspiller toute cette eau.
La vider a été assez facile, la remplir a pris bien plus de temps car le moteur de la pompe était HS. La ronde des réparateurs continuent à l’heure où je vous écris, le tableau électrique du jardin et piscine a brûlé pour la troisième fois, le moteur de la pompe à eau pourtant neuf, ne fonctionne plus. Point positif, maintenant nous pourrons toujours nous laver dans l’eau de la piscine qui elle, n’a jamais été aussi transparente.
La vider a été assez facile, la remplir a pris bien plus de temps car le moteur de la pompe était HS. La ronde des réparateurs continuent à l’heure où je vous écris, le tableau électrique du jardin et piscine a brûlé pour la troisième fois, le moteur de la pompe à eau pourtant neuf, ne fonctionne plus. Point positif, maintenant nous pourrons toujours nous laver dans l’eau de la piscine qui elle, n’a jamais été aussi transparente.
Rien que du courant…
Demain sera un autre jour...
Laissons de côté
toute cette intendance… Je vais vous parler d’un membre de ma fine équipe, qui
elle, fort heureusement se porte bien : Mon chauffeur…
Et oui, lectrices et
lecteurs de France, cela va vous paraitre un tantinet snob de vous parler de « mon
chauffeur » mais à Chennai, je vous assure, c’est d’un commun ! Parce
que la plupart des sociétés interdisent à leurs expatriés de prendre le volant
au vu des risques encourus sur la route, elles nous confient donc à des
chauffeurs indiens, des spécialistes de la conduite indienne : la « Indian
style » comme dirait le chauffeur de JM. Je me demande souvent si c’est
une bonne idée.
La conduite « Indian
style », c’est quoi ? En quelques mots, sans s’étendre sur ce sujet
déjà évoqué bien des fois dans Good Morning Chennai, c’est conduire au mépris
des règles élémentaires de sécurité, c’est accélérer quand des piétons
traversent pour leur faire rebrousser chemin, olé ! C’est slalomer entre
les voitures en klaxonnant, c’est doubler bille en tête et rouler à cheval sur
la ligne du milieu malgré le bus qui vient en face, doublant lui-même un
camion.
Mais aucun risque, vous dira Murali, le chauffeur de JM ; le Dieu Ganesh bien campé sur le tableau de bord sous son petit globe de plastique (sans neige) veille sur lui et sur la voiture (mais peut-être pas sur nous !). D’ailleurs, en quatre mois, l’animal à trompe l’a trompé sur ses pouvoirs, pouvoirs probablement insuffisants car une déesse et puis encore une autre sont venues le rejoindre, une par accrochage ! Ils sont bien alignés tous les trois et attendent… la quatrième déesse… Je pense que si tout va bien, nous devrions finir sous la protection d’une forêt de porte-chance se reflétant bravement dans le pare-brise.
La protection des
Dieux, on admet et on respecte. Dans tous les cas, si cela ne fait pas de bien,
cela ne fait pas de mal. Mais par contre, nous avons craqué quant au grigri pendouillant au rétroviseur intérieur… précurseur
probable d’une longue série genre la guirlande de fleurs en plastique, la moumoutte sur
le volant et le chien ou plutôt la vache qui hoche la tête sur la plage
arrière. Habilement tenté mais là, nous avons dit non !
Nous avons aussi entrepris
de former Murali aux premières règles de conduite, la tâche est rude mais
c’était une question de survie pour nous !
Je vous parle
souvent de Mani, mon chauffeur... toujours le même depuis mon premier jour à
Chennai. Le lendemain de mon arrivée, le réceptionniste de l’hôtel m’avait
appelée, tôt le matin, alors que JM était déjà parti au bureau, pour me dire :
« Madame, votre chauffeur est là ». Il m’aurait dit « la voiture
de madame est avancée » que je n’aurais pas été plus interloquée. Endormie,
déphasée, je n’étais pas sure d’avoir bien compris. Ne sachant pas quoi
répondre, je raccrochai.
Une heure plus tard,
le téléphone sonnait de nouveau et le même réceptionniste au bout du fil me disait :
« Madame, votre chauffeur est là, il vous attend ». Je savais qu’il
était prévu que j’ai un chauffeur et une voiture mais j’ignorais qu’il serait
là dès le premier jour. Je répondis que j’arrivais alors que je n’avais
absolument pas prévu de quitter l’hôtel et pour aller où ? Je choisis de
me rendormir, ignorant l’appel.
En milieu
d’après-midi, le réceptionniste, même pas excédé, me rappelait pour la troisième
fois : « Madame, votre chauffeur vous attend toujours, que dois-je
lui dire ? ». Je lui répondis de lui dire qu’il rentre chez lui.
Le lendemain matin,
à la première heure, on me prévint que « mon chauffeur » était
toujours là. Ah oui, je l’avais oublié celui-là.
Peut-être m’avait-il
attendue toute la nuit dans sa voiture ? J’eus quelques remords.
Je suis donc
descendue et je le vis : Un petit bonhomme à peine plus grand que moi d’environ
50 ans, tout vêtu de blanc, la tête bien ronde, le crâne dégarni, le cheveu
noir corbeau et la lèvre supérieure ornée d’une magnifique moustache du même
ton. Il m’attendait, raide comme un piquet, la main sur la poignée de la porte
arrière et le large sourire qui illuminait son visage jovial le rendait plutôt
sympathique. Et il avait l’air en forme, j’ai donc supposé qu’il était rentré
dormir.
Et sympathique, il
l’est et débrouillard aussi. Je me repose entièrement sur lui pour me
trimballer à travers la ville. Au début, je n’avais pas le mode d’emploi, je ne
savais pas combien d’heures et de jours il devait travailler par semaine, ce
qu’il devait faire en m’attendant, combien il était payé, quand il devait
déjeuner, dormir. L’idée que cette
personne m’attendait toute la journée, même si je ne sortais pas, me mettait
mal à l’aise. Je lui disais de rentrer chez lui mais il préférait rester. J’ai
su ensuite qu’il devait travailler un nombre d’heures minimum pour avoir un
salaire décent (15000 RS – un peu plus de 200 €). Sa voiture lui appartient, il
la brique toute la journée, la bichonne, elle est toujours impeccable. Petit à
petit, nous avons fait connaissance…
Il est toujours à l'heure, jamais une seule fois en retard... Pourtant, il habite à deux heures de notre maison. Il emmène et ramène Mathieu à l’école américaine tous les jours. Il est de la "vieille école" comme on dit ! Respectueux sans être obséquieux, juste un peu car il met un point d’honneur à ouvrir et fermer ma portière. Je prends donc mon temps pour rassembler mes affaires avant de sortir. Quand nous sommes deux ou trois à sortir de la voiture un même temps, c’est un challenge impossible. Il se précipite tel Superman pour ouvrir les portières une par une, s’emmêlant un peu les jambes, au risque de se casser le cou. J’avoue que nous ne lui facilitons pas la tâche, nous pourrions attendre sagement qu’il fasse le tour. J’ai bien essayé de lui expliquer au début que ce n’était pas nécessaire mais il m’a répondu que cela faisait partie de son travail. Si je veux le perturber, j’ouvre la portière avant lui. Cela m’arrive de temps en temps, non pas pour l’agacer mais parce que parfois je suis pressée. Je le laisse porter les sacs de courses mais je m’accroche à mes sacs personnels. Au début, nous tirions chacun de notre côté sur les anses de mon sac à main qu’il trouvait trop volumineux pour que je le porte !
Il est bavard mais
uniquement si j'engage la conversation. Il n’est pas un obsédé du klaxon,
grande qualité chez un conducteur indien. Il parle anglais, certes avec un
accent bizarre mais le mien n’est pas meilleur… Nous nous comprenons, c’est
l’essentiel. Il connait la ville pratiquement comme sa poche se faisant toujours
un devoir de trouver les adresses.
Mission impossible, il ne connait pas !
Mission impossible, il ne connait pas !
Questionnant çà et
là, un chauffeur de rikshaw, un vendeur de rue, un vieux gardien de maison ou
un repasseur de linge, il trouve toujours l'introuvable. Et tout est fait pour
brouiller les pistes car si les noms des rues principales sont indiqués, souvent
dans les quartiers les rues sont numérotées : 1ère rue, 2ème
rue, sans compter les impasses, les impasses dans les impasses, etc. Les numéros
ne se suivent pas, probablement attribués dans l'ordre d'apparition des
logements. Pour compliquer le tout, il y a un ancien et un nouveau numéro, ce
qui donne ce genre d'adresse : 12/45, Third street, Anna Nagar. Il faut
donc aller dans la rue Anna Nagar, trouver la 3ème rue qui n’est pas
toujours après la 2ème, ni avant la 4ème et ensuite
faire les maisons une par une pour trouver les bons numéros.
Dans les missions
particulièrement difficiles, en tout dernier recours et bien que ce soit une
attaque à sa fierté, je lui tends mon téléphone sur lequel j’ai composé depuis
longtemps le numéro du chauffeur de la personne chez qui je vais. Le réseau est
imparable, bien organisé, les chauffeurs savent tout sur tout et sur vous
également, chacun le sait ici. Sur votre carte de visite, son numéro de
téléphone est aussi important que le vôtre pour trouver votre adresse. Et là,
s’engage une conversation à bâtons rompus entre les deux chauffeurs,
interminable, chacun beuglant, postillonnant et ayant l’air de ne rien écouter,
enfin c’est ce qu’il me semble. Parfois, il faut rappeler une seconde fois, la
durée de la conversation n’étant pas plus courte que la première. Et il faut
voir son visage s’illuminer, ses yeux briller et sa moustache frétiller quand
enfin, nous arrivons à bon port. Bien sûr, je suis rarement à l’heure, mais en
Inde, qui est à l’heure ?
Je lui dis souvent qu’il
a une excellente mémoire, bien meilleure que la mienne. Il accepte le
compliment avec une modestie légèrement teintée de machisme. Ses yeux avouent
qu’il pense que les hommes sont bien meilleurs en orientation que les femmes. Dans
mon cas, c’est vrai, je dois l’avouer. D’ailleurs, quand il cherche son chemin,
il interroge toujours des hommes, jamais des femmes.
Il est aussi mon
secrétaire personnel, mon traducteur avec la multitude de réparateurs, mon
négociateur quant aux prix des travaux et mon coursier pour payer les factures
d'électricité, téléphone et autres.
Il m’a choquée un
jour. Je ne l’ai plus regardé de la même manière pendant quelques temps et puis
j’ai oublié. En Inde, on se fait à beaucoup de choses. L’interrogeant sur le
congé de trois jours qu’il prenait pour aller dans sa « native
place », je lui demandai si sa femme était du même village que lui. Il me
répondit que oui et je le sentis hésitant sur la suite de sa réponse.
Puis se décidant, croisant mon regard via le rétroviseur, il me dit : « on s’est toujours connus, mam, on vivait dans le même village, c’est la fille de ma sœur ainée ».
Puis se décidant, croisant mon regard via le rétroviseur, il me dit : « on s’est toujours connus, mam, on vivait dans le même village, c’est la fille de ma sœur ainée ».
« Ah ! Vous
êtes marié avec la fille de votre sœur ainée ? » Répondis-je, pour
gagner du temps afin que mon cerveau puisse établir le lien de parenté exact entre
eux.
Quand j’eus compris
et qu’il n’y eut plus aucun doute, je lui dis :
« Mais Mani, vous
êtes sûr ? ». On ne sait jamais, il pouvait se tromper ou j’avais pu
mal comprendre. « La fille de votre sœur ? Mais c’est votre
nièce ! ».
« Oui Mam, c’est ma nièce. » Et voyant
mon air ahuri, il ajouta précipitamment : « Je sais mam, que chez
vous ce n’est pas possible de se marier avec quelqu’un de la famille proche
mais dans mon village, on peut en Inde, c’est permis. C’est mieux pour garder
les biens dans la famille et on se connait déjà ! ».
Et fixant de nouveau
la route, il ne dit plus rien. Et moi, toujours abasourdie, je n’osais plus croiser son regard, ni lui
demander quel âge sa nièce avait au moment du mariage. Je n’avais pas envie d’en
apprendre plus, ni d'entamer un discours sur les risques potentiels de la
consanguinité sur sa descendance.
Depuis, j’ai appris
que les mariages consanguins, bien qu’interdits, ont encore lieu notamment dans
le Sud de l’Inde. Ils ont pour justification la volonté des familles de
conserver les acquis sociaux et économiques obtenus avec le temps. On ne
partage pas avec des inconnus, tous les biens restent dans la même famille.
Mani a un fils, un
garçon de 15 ans qui a l’air de lui donner du souci. Depuis la rentrée, le fils
prodige est en pension dans une école privée. Mani s’endette pour lui assurer une
bonne éducation scolaire.
« Mam, je l’ai
mis en pension car il avait de mauvaises fréquentations et il ne travaillait
pas à l’école. Maintenant, ça va mieux ».
« 40 000 RS
par an ça me coûte, mam, c’est très cher ! ».
Il a bien des
défauts sinon ce ne serait pas un homme ! Il m’agace quand il accélère au
lieu de laisser passer les piétons, quand il slalome entre les voitures me
secouant comme un sac à patates quand il sait que je suis en retard à un
rendez-vous.
Et il a un autre
défaut que j’ose à peine vous avouer : il s’endort au volant !
Oui, je sais, vous
allez me dire que c’est gênant pour un chauffeur. Il s’endort quand il a faim
ou après le repas, un peu tout le temps en fait, quand j’y pense ! Et de
plus en plus souvent au fil du temps… J’ai de plus en plus mal à le réveiller
quand il s’endort en m’attendant.
Récemment, il a
fallu que je lui fasse remarquer, après un coup de volant donné in-extremis
pour éviter la voiture dans laquelle nous nous dirigions lentement mais
surement.
« Mani, vous
dormez de plus en plus, vous êtes fatigué ? Il y a un problème ? ».
« Mam, je ne
travaille pas ailleurs que chez vous mais je me lève à 4h le matin et je ne
dors pas beaucoup. Et puis je m’endors quand je n’ai pas pris ma
collation ».
« Oui, mais qui
vous empêche de prendre votre collation ? C’est un peu dangereux
non ? »
« Non Mam, ce
n’est pas dangereux, tous les chauffeurs s’endorment au volant, c’est normal
parce que nous habitons tous très loin ».
Si c’est normal,
alors…
Incredible
India !
Défilés de collégiens et de lycéens à Pondicherry pour Pongal...
Défilés de collégiens et de lycéens à Pondicherry pour Pongal...