Marché Pondicherry |
Hello, nous démarrons notre troisième année à
Chennai. Enfin, depuis deux mois car cet article est en cours depuis début août
et j’ai décidé de le publier ce soir, coûte que coûte !
Chennai ! Parfois, j’aime cette ville. Parfois,
pas. Certains jours, elle me rend folle et je ne rêve que de la quitter parce
que je souhaiterais qu’elle soit moins sale, moins pauvre, moins riche, moins
corruptible, moins corruptrice, moins injuste, moins politique, moins distante,
moins envahissante, moins mystique, moins meurtrière, moins misogyne, moins
surprenante, moins croyante, moins superstitieuse … et moins bruyante…
A la fois attirante et repoussante… Mais je
ne regrette pas de l’avoir connue ! Vivre en Inde est une expérience hors du commun.
En août, nous sommes allés découvrir une
autre facette de l’Inde, complètement différente du reste du pays car très
proche du Tibet, dans l’extrême nord de l’Inde, plus précisément dans l’état du
Cachemire : Le Ladakh à 3500 m d’altitude dans la chaîne himalayenne. D’ailleurs
on appelle souvent cette région « Petit Tibet » ! J’y ai
retrouvé l’ambiance des monastères bouddhistes et ses moines paisibles aux
robes rouges, si différente des temples hindouistes et ses étranges brahmanes
torse nu.
Nous sommes encore sous le charme des
paysages de l’Himalaya !
Mais revenons à notre séjour à Chennai…
Le retour estival chaque année fait partie de
l’aventure des Desperates Housexpats ! En juin et juillet, une bonne
partie de la communauté francophone a quitté Chennai pour rejoindre l'Europe,
période qui correspond aussi à la fermeture de l'école américaine en décalage
d'un mois avec les écoles françaises.
Encore une fois, mon article sera rédigé au
féminin car l'Homme, celui-là même qui vous a entrainé dans cette aventure,
pour le meilleur et pas pour le pire (il vous l'avait promis !), celui grâce à
qui (ou à cause de qui... ça dépend des jours) vous avez tout quitté, lui,
restera pour travailler durement comme il le fait depuis son arrivée. S'il le
peut et s'il n'a pas déjà pris tous ses congés pour arpenter le pays d'adoption
en long, en large et en travers, s'il n'est pas pressenti pour une mission
tombée au dernier moment, l'Homme aura quelques vacances et vous rejoindra
peut-être plus tard.
A la première expatriation, le retour est une
fête qui dure deux mois car à grands renforts de mails envoyés le mois
précédant notre retour, nous avons ameuté la famille et les amis. Tout le
monde connait notre date d’arrivée. C'est tout juste si nous n'exigeons pas les
banderoles à l'aéroport. Notre planning
est déjà "game over" avant même de mettre le pied dans l'avion.
Dès que nous avons foulé le sol du terminal C,
la course contre la montre commence. Un marathon qui nous emmène dans un
tourbillon de folie, de retrouvailles, de rendez-vous, de restaus, de cafés, de
soirées, d'apéros, de shopping, de vacances et nous dépose, deux mois plus tard
dans ce même terminal C, exsangue, fatiguée, déboussolée, malheureuse et
heureuse de quitter et de retrouver (ou vice-versa). Pas de regrets inutiles,
nous sommes suffisamment raisonnables pour comprendre que les premières
effusions passées, famille et amis ne pourraient pas tenir le rythme plus de
deux mois et nous non plus d'ailleurs !
Le phénomène s'accentue si vous avez des
enfants surtout s'ils sont petits car grands-parents et autres attendent leur
petite-progéniture pour les couver d'attention et de cadeaux.
Il y a les retrouvailles avec la famille, les
amis mais aussi avec des plaisirs gustatifs simples tels le fromage, le jambon
cru et le pavé de bœuf accompagné de frites croustillantes et de sa béarnaise,
etc. C'est juste un exemple autobiographique, je vous laisse à vos propres
envies ! Certaines en auront rêvé toute l'année avec nostalgie. D'autres, dont
je fais partie, n'y pensent pas plus que ça mais se précipitent dans la
première bonne brasserie dès l'arrivée.
Et d’année en année, on s'habitue à nous voir
partir et revenir. Ensuite, les enfants grandissent et nous les laissons
derrière nous…Premiers stress, premières peines, les départs sont plus
difficiles !
Et tout passe si vite, trop vite… Dernières
fêtes, dernières embrassades et c’est déjà le départ ! L’épreuve des
valises a sonné.
Sortons la balance pour la pesée des valises
que l’on achète les plus légères possibles pour pouvoir entasser une multitude
de choses dont on s’est persuadé qu’elles nous seront indispensables parce
qu’introuvables dans le pays d’adoption. Ne pas dépasser le poids fatidique
imposé par les compagnies aériennes. Certes, on peut toujours essayer
d’amadouer l’hôtesse à l’enregistrement mais c’est risqué !
Tout est étalé sur le lit, et là, d’un seul
coup d’œil, nous savons que nous avons dépassé les bornes. Plusieurs fois
remplies, transvasées, fermées, pesées, ré-ouvertes, re-transvasées, refermées
et repesées, rien n’y fait, il va falloir faire des sacrifices. La mort dans
l’âme, nous mettons de côté un livre ou deux pas si intéressants que cela, ou
bien la poêle Téfal dernier cri, ou bien les deux boites en métal de galettes
bretonnes pur beurre de tata Colette, ou bien quelques plaques de chocolat sur
la cinquantaine prévue. Quelqu’une m’a avoué il y a peu de temps et elle se
reconnaitra si elle lit ce blog, qu’elle remporte à chaque voyage un stock de
papier toilette ! Chacun ses trucs… Est-ce bien raisonnable d’emporter
tant de choses ? Nous finissons transpirantes au bord de la crise de nerf
et les premières douleurs dans le bas du dos nous indiquent que le lumbago
n’est pas loin.
Ouf, c’est bon ! Et là, une désagréable
sensation d’avoir oublié l’essentiel. Un éclair ! Nous avons oublié les
saucissons et le fromage dans le réfrigérateur ! Et c'est repartie...
Puisque la balance est sortie, risquons nous du bout des pieds… Oups ! Pas sûre que la petite robe achetée en
solde à l’arrivée soit toujours aussi seyante !
Bye bye la France et quelques heures plus
tard c’est l’arrivée à Chennai. Tiens, toujours pas ouvert le nouvel aéroport !
Tiens, toujours les mêmes odeurs d’urine et d’humidité qui nous accueillent !
Et dehors, la chaleur moite nous attend ainsi que nos deux chauffeurs avec leur mine réjouie !
Départ pour Panayur, on s’assoupit… Un coup
de frein nous ramène à la réalité, nous avons failli heurter une vache qui a
stoppé au milieu de la voie.
Les sons, les odeurs et les couleurs sont
intensifiés bien au-delà de ce dont je me souvenais. Mouvement de couleurs
vives et de peaux sombres, fureur des klaxons, vrombissement de moteurs,
aboiements des chiens crasseux, litanie tonitruante des haut-parleurs, bruit de
la rue. Pas de doute, nous sommes bien à Chennai et rien n’a changé, c’est
toujours le même chaos. Et je sais que dans une une semaine, cela me paraitra presque normal.
Et on se rejouit de retrouver le soleil, la
maison et demain c’est dimanche, nous pourrons profiter de la piscine si l’eau
n’a pas viré au vert.
Nous tournons dans notre rue, la 7th avenue, les carcasses de rickshaws sont toujours là...
Des vaches...
Encore une nouvelle maison qui se
construit…
L'éboueur du quartier, qui marche encore droit à cette heure...
Notre équipe de choc est toujours là Ayapeun
ouvre la grille, Jayanthi, souriante, vient à notre rencontre dans l’allée. Nous descendons de la voiture, un peu groggy.
« Mam, vous allez bien ? Je suis
contente de vous revoir ».
« Moi aussi Jayanthi, vous allez bien et
vos enfants ? »
« Je vais bien Mam, et mes enfants aussi »
A ce moment, elle a un petit pincement de
lèvres fataliste, ses yeux s’arrondissent, ses sourcils s'élèvent de cinq cm, son front se plisse et son sourire
s'efface peu à peu.
Pas de doute, si elle fait cette tête là c'est qu'il s’est passé quelque chose !
« Mam, vous n’allez pas être contente, il y a un problème ! ».
Et elle
s'écarte peu à peu comme si elle voulait nous préserver le plus longtemps
possible du spectacle que nous avons maintenant devant les yeux.
« Mam, la propriétaire a voulu refaire
la piscine pendant que vous n’étiez pas là mais il y a eu de petits problèmes
et ce n’est pas fini ! Je crois qu’elle voulait vous faire une surprise,
Mam. Mais ne vous inquiétez pas Mam, l'ingénieur manager a dit que tout serait fini dans une semaine. Et puis, le moteur de la pompe à eau a brulé trois fois, il a été changé mais
il ne marche pas bien et puis il n’y a toujours pas beaucoup d’eau dans les
douches… et puis... ».
Je n'écoutais plus...
Bienvenue à Chennai !
A part ça, tout allait bien.
Je vous passe les détails sur la discussion avec le propriétaire le lendemain... La valse des ouvriers a commencé. Ils ont travaillé huit heures par
jour encadré par un manager qui rythmait leur journée à coup de sifflet et un
mois plus tard, nous avions une nouvelle piscine, toute faite main,
sans machine....
Incrédible
India !
Une semaine pour enlever le carrelage
Une semaine pour cimenter
A notre départ au Ladakh
Et deux semaines après, à notre retour...
Qui a dit que les choses n’avançaient pas
vite en Inde !