Proverbe indien : Tout européen qui vient en Inde acquiert de la patience s'il n'en a pas et la perd s'il en a.


mercredi 19 octobre 2011

Conversations, élections et religions

Les chauffeurs en Inde sont une source d'informations infinie pourvu qu'il parle un peu anglais et qu'on les comprenne. Passant des heures à attendre leurs passagers un peu partout dans la ville, ils tchatchent à longueur de journée. Je pense qu'ils sont au courant de tous les potins et qu'ils aiment ça.
Un jour, ayant retrouvé mon chauffeur en pleine conversation comme à son habitude, je lui ai posé la question :
 "Mani, toutes les personnes avec qui vous parlez, vous les connaissez ? Ce sont vos amis ?".
"Parfois oui, parfois c'est la première fois que je leur parle".
"Mais de quoi discutez vous quand vous ne vous connaissez pas ?"
"De tout, Mam, on fait connaissance et on "débat " sur la politique, le cricket (1er sport national en Inde), les voitures, la famille... les indiens sont comme ça, ils aiment débattre" 
Pour les autres sujets énumérés, mon niveau de compréhension ne m'a pas permis d'en savoir plus mais j'imagine que nous devons être pour eux des sujets de conversation inépuisables au vu de nos grandes différences culturelles !

Il y a une hiérarchie fonction de l'importance du personnage qu'il véhicule et bien sûr de la grosseur et de la marque de la voiture. Il fallait voir le chauffeur de JM se pavaner devant les autres quand il lui a donné les clés d'une magnifique koléos blanche ! Il a dû gravir d'un seul coup une dizaine d'échelons dans sa courbe de carrière malgré son jeune age ! 

Puisque mon chauffeur débat à longueur de journée et que nous sommes en pleine période électorale, je lui ai posé la question de savoir ce qu'il pensait de Jayalalitha, la chief minister du Tamil Nadu ?

Il m'a répondu convaincu :"Mam, Jayalalitha is good minister, she's not femely, she is as like a chief of army". 
Je lui ai demandé s'il était satisfait de sa politique.
"She is better than other men, she is good", a-t-il répondu avec fougue en brandissant au -dessus de sa tête un poing bien fermé en me lorgnant intensément dans le rétroviseur pour entamer le débat.
J'aurai bien aimé débattre avec lui mais j'ai préféré ignorer ses fortes convictions pour que son attention se concentre plutôt vers le pare-brise !

Une occidentale anglophone qui tient un restaurant que nous avons découvert depuis peu dans un village à 5 ou 6 kilomètres de chez nous nous a confié que lors du précédent gouvernement, des inspecteurs de l'hygiène débarquaient et lui disaient que sa cuisine n'était pas conforme aux normes. Quand on voit l'état des milliers de bouis-bouis le long des rues, on pourrait s’en amuser si ce n’était que ne voulant pas payer de « supplément », elle a vu débarquer plus tard une cinquantaine d'individus qui l'ont menacée de mettre le feu à son restaurant. La corruption en Inde existe à tous les niveaux, elle fait partie de la vie quotidienne. D'après cette restauratrice, depuis l'élection de Jayalalitha, personne n'est plus venue pour la rançonner et elle pense que la corruption a régressé dans le Tamil Nadu.

Aujourd'hui, j'ai pu prendre quelques photos d'affiches pour les élections qui ont eu lieu hier…prises bien sûr de la voiture, derrière la vitre et grâce à un feu rouge que cette fois ci mon chauffeur a bien voulu respecter... Je n'ai pas encore osé lui demander de s'arrêter pour prendre des photos insolites de peur qu'il me prenne pour une folle mais bientôt...

La liste de la Chief minister avec les cadeaux promis contre les promesses de vote






Donc, rien qu’à Chennai et la banlieue, depuis lundi et jusqu'à aujourd'hui 4,4 millions d'indiens pourront se rendre dans l'un des 200 bureaux de vote, choisiront leurs candidats dans l’un des 4876 isoloirs et voteront sur  l'une des 17 000 machines électroniques parmi les 2502 candidats pour 32 maires ! 
14 000 policiers sont mobilisés à travers la ville avec des contrôles dans chaque zone pour limiter les manifestations de violence et les émeutes. Les grands hôtels, seuls endroits où l'on peut prendre un verre ont du fermer leurs bars et vider les mini-bars de chaque chambre ! La prohibition totale.

Résultats des élections le 21 octobre ...

Autre sujet important, la religion hindoue... Il y  a tellement de divinités en Inde que chaque mois, nous en fêtons une. Ce mois-ci c’était Pooja ou Puja (prononcer poudja) qui a lieu une fois par an et le moment pour chaque travailleur de bénir son outil de travail pour éloigner le mauvais sort et éviter les pannes. Il y a quelques jours, les deux chauffeurs nous ont demandé de l’argent, une somme assez rondelette, afin d’acheter le kit nécessaire pour faire une pooja à leurs voitures.
Donc, vers 10h30 le jour dit, ils sont partis ensemble. «  Nous en avons pour 1h30 » précisent-ils «  nous préparerons en revenant et nous ferons la Pooja vers 14 h. 
Il y a une suite au proverbe indien sur la patience c'est que l'heure Indienne prend deux fois plus de temps que l'heure française : A 13 h, toujours pas de chauffeurs !
Nous appelons : « Dans combien de temps revenez-vous ? »
Réponse de Murali : « Dans 4 km »
Euphémisme d’une conversation franco-indienne !
Les deux larrons ont réapparu seulement deux heures plus tard avec tout le nécessaire.

pour le pooja


 
Il leur a fallu trois heures de préparation pour décorer notre entrée, bénir le portail,  les locaux techniques, la pompe de la piscine, les voitures, bref tout ce qui leur sert dans leur travail. Ils ont fait des traces avec une poudre orange en rajoutant à chaque fois un point rouge. Au passage, nous avons eu également notre signe tracé sur le front. Nous en avons conclu que nous étions élevés au même rang que les outils à protéger...
L''élément le plus important de la maison, le groupe électrogène qui prend le relais pendant les heures de coupure

L’entrée de notre maison a été décorée et le positionnement des guirlandes a été longuement, très longuement débattu entre le gardien de jour et les deux chauffeurs.
A gauche, le chauffeur de Jm, le mien à droite et au milieu le gardien de jour resté le soir pour l'occasion !





Les chauffeurs ont lavé les voitures et les ont décorées de guirlandes de fleurs et ont déposé une feuille de bananier remplie d’offrandes : des fruits, du riz soufflé, des sucreries.  Calé devant chaque roue, un citron qui a été écrasé au démarrage du véhicule garantissant l’absence d’accident pour l’année (c'est à ce moment que j'ai compris pourquoi nous étions toujours en vie !). 











Un peu de pub en passant... peut-être pour augmenter les ventes ?


C’est à notre gardien centenaire surnommé "le colonel" car il nous gratifie d'un salut militaire en bombant le torse à chaque fois qu'il nous ouvre le portail qu’est revenu le privilège de démarrer la cérémonie. Il a découpé le haut d'un légume de la même taille qu’une pastèque et y a déposé de la poudre orange, du curcuma, des roupies (petite monnaie indienne) et l'a refermé. Il a mis un cube de camphre dessus, des bâtons d’encens et y a mis le feu. 
Saisissant le légume fumant à bout de bras, il s'est relevé et nous l'avons vu partir en courant ou plutôt en titubant sur ses frêles jambes de vieillard non pas pour passer la flamme à un hypothétique relais mais pour faire le tour des deux voitures, trois fois, en marmonnant. De mon côté, j’ai surtout prié Ganesh et les autres divinités que je ne connais pas encore pour qu’il ne trébuche pas dans la pénombre et qu’il ne s’immole pas avec le légume en feu ! Pour une première pooja, c’eut été très embêtant et ça risquait de nous porter malheur à tous !
Ensuite, il est sorti à l’extérieur du jardin et a balancé le légume qui a éclaté sur le sol avant que les flammes ne lui brûlent les moustaches.

La fête était terminée et nous avons distribué les fruits et les pâtisseries indiennes à tout le personnel... Nos chauffeurs nous ont confié ensuite que c'était pour eux la plus belle pooja qu'ils avaient faite, probablement pour justifier leurs dépenses pharaoniques...


Notre gardien centenaire



e

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire