La semaine dernière, dans l’avion qui nous emmenait pour deux heures de vol, j’ai vu un film « Dhobi Ghat ». C’était le seul film indien qui ne durait que 90 mn. Le hasard fait bien les choses car l’histoire des destins croisés de quatre personnes se passait dans la gigantesque ville de Mumbai (Bombay), destination de notre vol. J’ai adoré ce film.
Je connais peu le cinéma indien. Je sais, comme tout le monde, que Bollywood, l’industrie cinématographique de Bombay est le plus grand producteur de films du monde. A Chennai, il y également un cinéma, le Kollywood ! Pour le moment, je ne me sens pas de regarder des heures durant des histoires d’amour impossibles à l’eau de rose, des tortillements de danseurs et de danseuses sur une musique qui, si au départ séduit, devient insupportable au bout de deux heures.
S’il est un film que je conseillerais, ce serait Devdas, un classique du genre Bollywood (hautement recommandé par mon amie Guylaine !). C’est le seul que j’ai vu en entier et même trois fois.
Par ailleurs, la découverte à Séoul du cinéma coréen, si bien fait techniquement, si magnifiquement joué, a été une telle révélation pour moi que j’ai l’impression qu’une autre culture cinématographique ne trouverait pas autant grâce à mes yeux. J’ai sans doute tort !
Source internet : « Kiran Rao a réussi un coup de maitre en introduisant un film audacieux, surprenant et novateur, inspiré sans doute des films occidentaux, qui a suscité à la fois admiration mais aussi ennui. Ce film fait tache d'huile sur un tableau indien dominé par des grosses productions à buts commerciaux. Le succès du film dans les salles indiennes laisse présager un développement futur de ce genre de film. »
Le film a été réalisé et produit par une femme, Kiran Rao, dont le mari, acteur connu, joue dans le film. Dhobi ghat est sorti début 2011, je ne sais pas où (vous le savez peut-être), après avoir été présenté au Toronto International Film Festival en septembre 2010.
Kiran Rao précise qu’elle a utilisé la méthode de la "guerilla filming", c'est à dire qu'elle a filmé tel quel dans les rues sans autorisation, sans décors artificiels, presque "avec les moyens du bord, ce qui donne une authenticité au film.
Le film est lent, sans intrigue particulière mais la façon dont il est filmé est géniale et la réalisatrice utilise des gros plans, des effets miroirs… techniques très souvent employées dans le cinéma coréen, qui permettent de rentrer dans l’intimité des personnages, de ressentir leurs émotions. La prestation des acteurs est excellente et la musique est très belle… En outre, le film est un excellent documentaire sur Bombay sur le quotidien de ses habitants, des indiens en général et sur les rapports humains entre les différentes classes sociales.
J’y ai retrouvé cette étrange culture que je découvre et essaie de comprendre chaque jour, exercice difficile pour ma petite tête formatée à l’occidentale.
A Bombay, nous avons vu le dhobi ghat. Pas possible de le rater, c’est une visite touristique indiquée dans tous les guides. Dhobi ghat ou le quai de la lessive, est un quartier de Bombay qui voit défiler le linge sale de tout Bombay depuis au moins 140 ans.
C’est la plus grande machine à laver manuelle de la ville et peut-être du monde ? C’est un hameau entier où plusieurs centaines de dhobi-wallah, les blanchisseurs, battent des tonnes de linge dans les 1026 lavoirs en plein air (je ne les ai pas comptés, source Lonely planet).
Avec un sentiment mêlé de voyeurisme et de fascination, j’ai pris ces photos du haut d’un pont qui surplombe l’endroit où ces 4000 travailleurs de force, moyennant location d’un bac auprès du gouvernement frottent, frappent le linge sur des pierres du matin jusqu’au soir pour gagner quelques roupies. La remarque de JM, pragmatique : « le linge a intérêt à être résistant ! » me fait songer que ma lingerie et mon chemisier en soie achetés lors de mes derniers shoppings en France ne résisteraient pas longtemps.
C’est un chauffeur de taxi sikh avec un magnifique turban noir qui nous a déposés sur le pont qui surplombe l’endroit. Déposés à contre-coeur car les visites que nous voulions faire ne lui convenaient pas et à priori le dhobi ghat ne présentait pas d’intérêt pour nous…avait-il décidé. Même s’il en prenait la direction, il a parlementé tout le long du chemin, prêt à bifurquer d’un coup de volant vers une autre destination, celle qu'il avait choisie. L’indien, notamment l’indien qui est en contact avec le touriste est comme ça, il sait ce qui est bien pour vous. Pour vous persuader, il a une méthode infaillible : Sa persévérance et votre impatience. Rappelez vous le proverbe indien sur la patience...
Au départ de l’hôtel, il nous demande où nous allons. Nous lui indiquons de nous déposer au dhobi ghat et nous lui demandons « Vous savez où ça se trouve ? » « Oui ». Ils répondent toujours oui (même si le dodelinement de la tête de droite à gauche indique plutôt le contraire) car une course, surtout avec des blancs est potentiellement une bonne source de revenu puisqu’il peut augmenter le prix qui nous paraitra toujours bas.
Au bout de 2mn dans la voiture, il demande de nouveau :
« vous voulez aller où ?».
« Au dhobi ghat, vous savez où il se trouve ? ».
« Ha oui, dhobi ghat, mais il y a la maison de Ghandi à voir, je peux vous y emmener. Je peux vous faire un tour de 3 heures ».
« Non juste une course, vous nous déposez au dhobi ghat, vous savez où ça se trouve ? »
« Oui je sais ».
Deux minutes plus tard : "et le temple jaine, c’est bien le temple jaine et ensuite Banganga tank à Malabar Hill et ensuite la maison de Ghandi, un tour de 3 heures pour 1000 roupies. Non ? mais c’est bien le tour, non ? ha bon dhobi ghat, d’accord ».
Plus tard : « d’où venez-vous ? ».
« Nous sommes français mais nous vivons à Chennai en Inde ».
« Ha, vous vivez à Chennai ? (du coup nous sommes peut-être moins naifs qu’il ne le pensait) Ok et vous voulez aller voir la maison de Ghandi et aussi le temple jaine ? Un tour de 3 heures pour 900 roupies ».
« Non, seulement Dhobi ghat et vous nous laissez sur place !!! »
« Ok, ok ».
Passant devant un immense building à l’architecture biscornue, il nous précise:
« c’est là qu’habite Mukesh Ambani, le PDG de Reliance Industries, l’homme le plus riche de l’Inde, un building juste pour sa famille avec 500 serviteurs ».
Il attend que nous poussions notre cri d’étonnement. Nous ne le décevons pas et nous nous exclamons en ouvrant de grands yeux. Il faut bien avouer que c'est étonnant et tellement incredible !
Il rigole et enhardi par notre réaction, reprend de plus belle « Le Banganga Tank, vous voulez voir le Banganga tank, ensuite le temple jaine et la maison de Ghandi ?».
« Non, nous allons au dhobi ghat, c’est encore loin ?».
« OK, ok, on y arrive ».
"Dans combien de temps ?".
"2 minutes".
…. …. « Et shopping madam, vous voulez craft, elephant, pashmina, bijoux, ... … , madam shopping pour vous, je touche une commission dans les magasins si vous y allez, juste regarder…. … mais après le temple jaine et la maison de Ghandi, 800 roupies le tour, ok ? ok ? j’ai deux enfants et une femme à nourrir ».
La conversation s'est arrêtée là, nous étions enfin arrivés au Ghandi Ghat.
La suite de la visite dans le prochain billet...
Passionnant ton récit! et metci pour le tuyau sur ce film indien , je vais me précipiter dans Indian town à Paris (gare du Nord!!!) où nous avions déambulé en bonne compagnie il n'y a pas si longtemps (prémonitoire?). Continue tes récits , avec ceux d'Hélène plus besoin d'aller en Inde!!!
RépondreSupprimerJ'ai beaucoup aimé ce film dont le style n'a en effet rien à voir avec les grosses productions Bollywood aux histoires assez loufoques parfois.
RépondreSupprimerJ'ai souri en lisant ton récit avec le chauffeur. Pas toujours facile d'aller uniquement où on veut.
Même si le point de vue depuis le pont est hyper touristique et limite voyeuriste, c'est à voir. On nous avait déconseillé de faire laver du linge délicat ou avec des boutons fragiles ;-)
J'ai hâte de lire la suite !
Valérie, oui je me souviens de cette sortie, j'espère que tu trouveras le film... tiens moi au courant.
RépondreSupprimerHello Patraque, c'est vrai c'est à voir... Nous retournerons à Bombay début d'année prochaine, pour nous c'est un peu le retour à la civilisation par rapport à Chennai !
je suis émue et triste de voir qu'au 21 siècle ! il existe encore de l'exploitation de l'homme par l'homme.Je trouve très courageux de la part de tels réalisateurs d'attirer notre attention sur des sujets intéressants mais qui demeurent très sensibles quand même tel que les enfants en inde qui doivent travailler très jeunes pour quelques roupies au lieu d'être scolarisés.zara.
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