Depuis mon avant-dernier billet, tout s’est enchaîné jusqu’à notre arrivée à l’hôtel il y a 14 jours. Le plus succinctement possible mais l’exercice n’est pas simple au vu de la multitude de problèmes et de personnes que nous avons rencontrés dans notre maison, je vous relate quelques faits pour vous expliquer la chute… à l’hôtel et celle du mur. Ce sera en deux épisodes, voici le premier.
Mercredi 1er février, une belle journée ensoleillée qui commençait bien puisque avec trois amies, nous avions entrepris de passer la journée à Pondichéry qui se trouve à moins de 2 heures de Chennai. Nous n’avions pris qu’une voiture et mon chauffeur était resté à la maison. Confortablement installée devant un cappuccino et un croissant croustillant commandés et servis « en français », dans un café/boulangerie, le Baker Street, je trouvais que la vie en Inde devenait peu à peu agréable.
Et surtout, une journée en dehors de la maison, une journée sans gardien qui sonne toutes les heures à la porte pour m’annoncer l’arrivée d’un plombier, d’un électricien ou autres experts locaux en tous genres.
Les derniers experts en date, précédant le plombier qui n’a toujours pas résolu nos problèmes de fuites, de pression et d’eau sale (voir épisode suivant) étaient les contre expertiseurs du propriétaire venus pour contre expertiser les climatiseurs jugés à bout de souffle par les nombreux techniciens qui ont défilé depuis quelques mois.
Vêtus de noir de la tête aux pieds, chaussures et casquettes comprises, un badge autour du cou arborant le nom de leur société, ils ont débarqué un beau matin, à deux, tels Dupont et Dupond, sans prévenir et sans un seul outil.
« Nous sommes venus contre expertiser les clims, Mam ». Me dit l’un deux.
Je m’attendais presque à ce que le deuxième renchérisse : « Je dirais même plus, nous sommes venus contre expertiser les clims, Mam ».
« Mam, vous comprenez, les clims, vous devez attendre un peu avant qu’elles se mettent en route » me dit le deuxième qui avait l’air le plus malin !
« Oui, attendre mais combien de temps, au bout d’une demi-heure, elles ne fonctionnent toujours pas » lui répondis-je.
Donc, nous avons attendu… et point d’air frais dans la pièce.
« Nous allons contre expertiser les compresseurs sur le toit » décidèrent-ils à l'unisson.
Ils y sont restés une demi-heure.
De retour dans la pièce : « Mam, tout est en ordre, vos clims fonctionnent »
J’avais envie de leur dire « bravo, et tout ça sans un seul outil ! ».
Mais je suis restée presque stoïque et je leur ai rétorqué qu’elles soufflaient uniquement de l'air chaud et quand bien même nous resterions une journée devant, nous ne sentirions pas le moindre souffle frais sortir des engins.
A ce moment- là, un des contre expertiseurs, le plus petit des deux, se met à sautiller en l’air la main tendue au-dessus de la tête.
Me doutant que ce n'est pas son quart d'heure de gym quotidien, je saisis qu’il essaie de se hisser au niveau du climatiseur fixé à 2,40 m du sol, pour sentir du bout de ses doigts un semblant de fraicheur que voudrait bien cracher miraculeusement le dit climatiseur.
Au bout de quelques bonds sur place, il revient sur terre et me regarde « Yes, mam, ça marche, regardez » dit-il en sautant à nouveau. "Si vous mettez la main plus haut devant la grille, vous allez sentir l’air frais. Essayez. Vous voyez, il n’y a pas besoin de les changer ».
Revenons à Pondichéry, ancien comptoir français où je prenais mon petit déj avec trois amies sympas à papoter sur tout et rien.
J’étais en train de racler délicatement avec ma petite cuillère la mousse crémeuse et chocolatée déposée à la surface de mon cappuccino lorsque que mon téléphone a sonné. Quand j’ai vu le nom de Mani, mon chauffeur, s’afficher sur l’écran, j’ai tout de suite su, déjà résignée, qu’il devait se passer quelque chose d’assez important puisqu’il ne m’appelle jamais.
« Mam, le gouvernement local est là avec la police, ils veulent casser le placard, ils veulent casser le placard avec la machine» braillait-il dans le téléphone.
« Quoi, quel placard, je ne comprends pas ce que vous dites ? » lui répondis-je
« Mam, le placard, le placard au fond du jardin». Ma compréhension de l’anglais indien au téléphone étant défaillante par moment, je passe le téléphone à une de mes amies qui comprend la même chose que moi.
Il me répétait inlassablement que le gouvernement local, c’est-à-dire les élus de la mairie et la police étaient venus chez nous pour casser le placard au fond du jardin. Je n’y comprenais rien. Légèrement inquiète, j’appelle JM qui prévient le propriétaire, lequel rappelle pour dire qu’il n’y a pas de problème (pour les indiens, c’est toujours no problem) et qu’il envoie quelqu’un sur place.
Et puis, plus de nouvelles… et j’avoue que je n’ai pas cherché à en avoir. Je ne sais pas si c’est de la résignation, mais les événements commencent à glisser sur moi et à fendiller ma carapace cartésienne. Les « anciennes » qui sont à Chennai me disent que c’est normal au bout de six mois et que c’est même recommandé sinon on devient fou ou plutôt folle. Voilà, je m’habitue à l’Inde et à ses habitants.
Les liens sont pour les veinardes et les veinards qui vont bientôt nous rejoindre à Chennai cet été… pour vivre des aventures inoubliables. Je tiens à leur préciser que mes récits, même s’ils paraissent insolites sont complètement vécus mais je les rassure, je connais beaucoup de familles qui vivent l’Inde moins intensément en termes d’installation. Je pense que le choix de la maison y est pour beaucoup. Quand on voit les chantiers en construction, on peut comprendre très vite pourquoi il est impossible de trouver la maison parfaite sans problèmes.
Super journée à flâner dans les rues de Pondichéry, ce que nous ne pouvons pas faire à Chennai et plaisir de déjeuner dans le jardin d’un restaurant français, le Satsanga - http://satsanga.co.in/Dining.aspx
Journée vraiment très agréable avant de rentrer…
Quand je suis arrivée le soir, il n’y avait plus de mur, ni de porte au fond du jardin… J'avoue que j'ai été déstabilisée et je me suis demandée si je ne rêvais pas... J'ai compris que mon chauffeur voulait parler du mur de la clôture.
Après les explications nourries de ma joyeuse troupe présente lors de la chute du mur, j’ai su que pas moins de 22 personnes (12 élus de la mairie et 10 policiers) et un bulldozer étaient présents dans notre jardin la veille. La prise de la Bastille ! Le mur et la porte ayant été abattus sans résistance, les révolutionnaires ont pique-niqué sur place.
« Mam, on a eu peur, on s’est caché (tous les indiens pauvres ont peur de la police et des politiciens…), ils sont restés toute la journée, ils ont mangé et ils ont bu toute l’après-midi, heureusement que vous n’étiez pas là, Mam, heureusement !».
Il m'imaginait probablement les bras en croix devant le mur et résistant au bulldozer ! Il est vrai que j’avais déjà refusé par deux fois, que les « hommes en blanc », les fameux politiciens ne viennent prendre des mesures dans le jardin.
Mon refus avait effaré les gardiens et le chauffeur prêts à les laisser entrer.
« Mam, c’est le gouvernement local, il faut les laisser entrer, vous êtes obligée ! »
« Vous pouvez leur dire qu’ils rentreront quand ils auront demandé l’autorisation au propriétaire et sur rendez-vous avec moi, on ne débarque pas chez les gens de cette façon ! »
Depuis, nous pensons que toute une partie du terrain n’appartient pas au propriétaire mais fait partie du domaine public. Chaque année, au mois de janvier, des actions comme celles-ci sont entreprises sur les propriétés qui longent la plage, nous n’étions pas les seuls. Ensuite en échange de quelques deniers, les propriétaires reconstruisent leur mur jusqu’à la prochaine chute l’année prochaine. Le propriétaire n'a même pas pris la peine de nous donner des explications.
Incredible India !
Et moi, qui craquais déjà avec tous ces gens qui gravitent autour de la maison, j’avais récupéré trois cow-boys en uniforme en faction jour et nuit, envoyés par la société pour sécuriser la maison...
Et dire que je n’étais pas présente pour faire des photos, j’ai raté le reportage de l’année !