On peut être béni des dieux partout dans le monde mais plus particulièrement en Inde tant les divinités sont nombreuses et on peut aussi être béni par un éléphant et plus précisément par sa trompe !
Sans doute symbole le plus emblématique de l’Inde ancienne, utilisés lors des chasses aux tigres ou comme « véhicule » d’apparat pour les maharadjas du Rajasthan mais aussi travailleur de force pour abattre et transporter des arbres, tracer des routes, j’imagine que petit à petit, dans le monde moderne, il a fallu trouver de nouveaux métiers à tous ces éléphants. Dans beaucoup de pays d’Asie, ils sont utilisés pour l’amusement des tourismes. En Inde, puisque le dieu Ganesh a une tête d’éléphant, le raccourci a été vite pris : puisqu’on vénère Ganesh, on vénère tous les éléphants. A contrario, plus ils sont vénérés, plus ils sont maltraités !
Comme toute divinité qui se respecte, lors des festivals, les éléphants doivent défiler dans les processions. Sortis de leur habitat naturel, les forêts, on peut imaginer le choc pour les pachydermes contraints à circuler en ville au milieu des voitures, camions et bus. Régulièrement dans le journal, il est signalé des accidents mortels dans des cérémonies car paniqués par le bruit de la musique et des pétards (ici quand on est content ou quand on fait la fête, on fait péter des pétards tout au long de l’année…) les éléphants pris de folie piétinent allègrement la foule et tuent plusieurs personnes.
Régulièrement aussi, ils sont eux-mêmes victimes d’accidents mortels, renversés par des trains ou des camions, empoisonnés ou abattus par des villageois qui en ont marre que leur village soit ravagé par ces imposants mammifères ! Et on peut comprendre...
A la suite d’un mariage où un éléphant (probablement utilisé comme transport pour les mariés... ils auraient peut-être du choisir la traditionnelle calèche avec les chevaux, beaucoup moins dangereuse...) pris de panique à cause des pétards a blessé les invités, écrasé les voitures du cortège, déraciné tous les arbres rencontrés sur son passage et probablement ravagé la pièce montée, l’Etat de l’Uttar Pradesh s’est enfin posé la bonne question : « La vénération des éléphants serait-elle devenue déraisonnable ? ». A priori, ce même Etat a répondu oui à sa question, en effet l’éléphant s’il peut être sociable n’est pas très mondain. L’utilisation des éléphants dans les lieux très fréquentés de cet Etat est donc maintenant interdite.
Mais pas partout car à Pondichéry devant le temple de Manakula Vinayagar, nous avons rencontré une éléphante qui s’appelle Lakshmi. Dans l’hindouisme, Lakshmi est la déesse de la fortune et de l’abondance et elle est la femme de Vishnou.
J’imagine que la dite Lakshmi n’apporte peut-être pas la fortune à son cornac qui passe toute sa vie avec cette compagne quelque peu encombrante mais au moins elle lui assure un revenu quotidien.
Les marchandes de légumes, de fruits et d'offrandes installées juste à côté doivent y trouver également leur compte.
En échange d’une pièce qu’aspire l’imposante pachyderme avec sa trompe pour la recracher habilement dans la main de son cornac ou bien contre un fruit ou un légume qu’elle enfourne illico dans sa brosse bouche et qu’elle ne recrache pas, vous recevez une petite accolade de sa trompe sur votre tête.
La bête n’est pas folle, vous avez beau vous planter devant elle, elle vous ignore tant que vous n’avez pas versé votre tribut… Et si cela tarde un peu, sa trompe se balade autour de vous pour chercher son dû.
Nous avons su entre temps que la belle était arrivée en 1997 à l’âge de 6 ans et que sa vie n’avait rien à envier au commun des indiens. Baignée, maquillée, parée de bijoux tous les matins, elle arrive au temple, bénit la statue de Ganesh, le dieu à tête d’éléphant, reçoit une marque sur le front par le brahmane et s’installe devant le temple pour donner la bénédiction aux fervents et à tous les badauds, comme nous qui passions par là. J’imagine que ce n’est pas forcément la vie qu’elle a choisie mais… c’est la sienne aujourd’hui.
Si vous voulez subitement en savoir plus sur sa vie, quelqu’un a déjà interviewé son cornac !
Bien sûr, j’ai fait bêtement comme tout le monde, j’ai acheté des légumes pour Lakshmi. Mais ne nous y trompons pas, la belle a beau être élégante et avoir de belles manières, je n’ai pas pu m’empêcher de penser que d’un coup de son appendice nasal elle pouvait m’envoyer valdinguer au fond de la ruelle. Drôle d'impression, la pichenette sur la tête, douce et ferme à la fois !
Bien éduquée mais parfois capricieuse, elle a refusé de bénir JM, peut-être que le légume n'était pas frais ?
Et vendredi, dans le journal...
Nous avons appris la mort de Machiniamma à l’âge de 23 ans.
Elle est morte bêtement, c’est le cas de le dire, de la morsure d’une toute petite bête, un rat, mais un rat atteint de la leptospirose. Cette même leptospirose que l'on attrape en se baladant pieds nus dans les eaux stagnantes des rues de Chennai pendant la mousson. Depuis le mois de janvier, Machiniamma n’était pas en forme et ne s’alimentait pas bien. Les docteurs n’ont pas trouvé tout de suite ce qu’elle avait. C’est en octobre seulement, après avoir perdu 200 kilos, qu’ils ont détecté qu’elle était atteinte de la leptospirose. Ne pouvant plus se le lever, elle est morte d'un arrêt cardiaque.
Machiniamma était une éléphante. Elle venait d’une réserve et avait été offerte, en 1992, par un ministre, au temple de Devi Karumariamman (je vous laisse vous familiariser avec les noms indiens…). Elle a eu des funérailles digne d'une reine et son cornac est inconsolable.
Machiniamma était une éléphante. Elle venait d’une réserve et avait été offerte, en 1992, par un ministre, au temple de Devi Karumariamman (je vous laisse vous familiariser avec les noms indiens…). Elle a eu des funérailles digne d'une reine et son cornac est inconsolable.
photo source internet |
Si un éléphant peut mourir de la leptospirose après la morsure d'un rat...
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