Proverbe indien : Tout européen qui vient en Inde acquiert de la patience s'il n'en a pas et la perd s'il en a.


vendredi 30 septembre 2011

Parry's Corner, quartier d'affaires


notre Ganesh sauvé des eaux
Je le disais précédemment, je ne sais rien de l'Inde et par conséquent, je ne sais rien de ses habitants, les indiens. C'est sûrement un pays que je n'aurai jamais visité comme touriste. Pourquoi ? Je ne sais pas... peut-être parce que le pays est très grand et par conséquent difficile de choisir une région plutôt qu'une autre, peut-être parce que j’ai souvent entendu des commentaires et impressions que nous rapportent les voyageurs sur le manque de propreté de ce pays, la pauvreté de ces habitants, tout ce qui les a gênés pour apprécier la beauté des paysages, la richesse culturelle et la gentillesse des indiens. 
Quand nous étions en Corée du Sud pendant quatre ans, nous avons plutôt voyagé dans toute l'Asie du sud-est, l'Inde nous paraissait très loin, nous l'avons effleurée en allant en Birmanie.
Donc pour essayer de comprendre, je lis des livres sur la culture et je découvre un pays et un peuple complexes. Je parcours les textes de Hélène sur son blog Bombay Magic, j'écoute les aventures de mon amie Blandine dont c'est la quatrième année en Inde, je récolte des récits deci delà, les découvertes de l'une, les galères de l'autre, toujours racontées avec humour.
 
Deux mois que nous sommes arrivés dans cet autre monde si nouveau pour nous. Pas facile quand on habite loin du centre ville de se mêler à la population indienne. Mes seuls bains de rue ont eu lieu à Pondichery et la semaine dernière, dans les ruelles étroites de Parry's  Corner, un des quartiers d'affaires de Chennai. Quartier d'affaires au sens commerces. Chaque rue regroupe une activité de vente, il y a la rue des sacs papiers, celle des tissus, celle des gamelles, celles des pharmaciens, etc... Expérience étonnante de parcourir ce labyrinthe de ruelles. Pas tout à fait le moyen-âge car les pétarades des rickshaws et des motos nous rappellent que les moteurs ont déjà été inventés mais une descente saisissante dans le passé. Les petits immeubles semblent en ruine, la rue et les trottoirs sont encombrés  d'immondices. Dans une chaleur étouffante, tout le monde circule et semble savoir où aller (sauf moi !), à pied, à vélo, à charrette à vélo, en moto, en rickshaw, en char à boeuf... des porteurs chargés de paquets que même des mulets ne sauraient porter, des commerçants, des clients. Les "blanches" que nous sommes attirent forcément des regards de curiosité. Mes yeux ne savent pas où se poser mais je suis plutôt occupée à regarder où je mets les pieds, à ne pas tomber, à éviter les chocs et les contacts. Je prends quelques photos à la va-vite, pas possible de m'arrêter, je dois suivre le flot continu des porteurs. Je m'arrête une seconde, une roue de vélo bute dans mon mollet. Aie, je me retourne énervée, mais le plus furieux est celui que j'ai freiné dans son élan... un vieillard en pagne d’au moins 120 ans et maigre à faire peur conduisant un vélo avec une charrette chargée d'une tonne de paquets. Une réaction en chaîne s'ensuit, il y a des chocs, des grognements, tout le monde se rentre dedans. Je ne m'éternise pas dans les lieux et je m'éclipse avant de me faire étriper.
Je rentre dans une minuscule échoppe. Je suis accueillie par un jeune homme qui, sourire aux lèvres, me demande de me déchausser...  Je louche sur le sol plus que douteux, je me déchausse : ça colle ! Un employé affairé se saisit de son balai en herbe (la bonne utilise le même chez moi) et frotte frénétiquement à droite et à gauche le sol derrière moi, m'envoyant toute la poussière et les saletés sur les pieds avant de les propulser sur la rue. Je mets mes chaussures près des vieillies savates et tongs à l'entrée. J'appréhende de ne pas les retrouver à la sortie, je ne me sentirai pas le courage de marcher pieds-nus dans les rues comme le font la plupart des indiens. 

Je cherche du ruban et ça tombe bien, il n'y a que ça dans l’échoppe, sûrement des milliers de bobines, mais rien n’est rangé, tout est en vrac. J’annonce la couleur et quelques secondes plus tard, une centaine de bobines sont étalées sur le comptoir. Je stoppe le zèle du vendeur avant qu’il ne vide tous ses rayons. Une couleur manque, pas de problème, il envoie son collège qui disparait quelques minutes et revient avec ce que je cherche. Je choisis une dizaine de rouleaux de 50 m que je paie 4,50 €. Le commerçant satisfait de sa vente me donne sa business card et me demande de revenir (je le lui promets si je le retrouve parmi les centaines d’échoppes !). A Parry's Corner,  le client est toujours roi surtout quand il est occidental car il est potentiellement acheteur !
Je cherche des perles et la personne qui m'accompagne me guide. Nous entrons sous un porche, genre coupe-gorge,  nous montons les escaliers vermoulus avec des trous énormes. Arrivées à l'étage, même punition pour les chaussures, même saleté voire pire avant de pousser la porte vitrée d’une petite pièce. Je suis déçue, il n’y a que quelques cartons qui traînent sur les rayons. Ma guide demande à entrer dans la remise (privilège réservée aux clientes fidèles). Un homme nous emmène au fond d’un couloir et nous montons encore des escaliers. C'est sombre et glauque. Nous arrivons devant une porte en planche cadenassée. Derrière cette porte, je découvre des mètres de rayons encombrés de milliers de boites en carton. La caverne d'Ali Baba (en moins bien rangé). Le vendeur les ouvre au hasard et me propose des perles…. Des milliers de perles. Il n’a pas de temps à perdre il faut choisir vite…
Au bout de cinq échoppes, nous sommes lessivées, trempées, sales et comme nous avons beaucoup marché dans le dédale de ruelles, nous ne retrouvons pas l'endroit où nous a laissé le chauffeur. Je l'appelle pour lui demander de venir nous chercher. Je lui indique l'endroit où nous sommes, il me répond ok, je viens (du moins c'est ce que je comprends). Dix minutes plus tard, il me rappelle en me demandant quand nous arrivons. Nous décidons donc de prendre un rickshaw pour rejoindre la voiture, négociations pour le prix avec le chauffeur (ils sont connus pour vous arnaquer si vous ne fixez pas le prix  à l'avance). Nous fonçons sur la rue principale. Le temps que nous arrivions où devait nous attendre mon chauffeur, il était parti nous chercher. Je donne mon téléphone au chauffeur du rickshaw qui braillant pour couvrir le bruit des voitures... postillonne à mon chauffeur les indications pour nous retrouver. Peine perdue, au bout de 5 minutes, toujours personne, le chauffeur du rickshaw qui a entrepris de nous sauver de cette situation (moyennant rallonge d'un billet à chaque fois) redémarre et nous reprenons la rue en sens inverse. Entre temps, notre chauffeur a fait de même. De nouveau, coup de téléphone (je mets dans un coin de ma mémoire qu'il faudra que je désinfecte mon téléphone le soir). Ce petit jeu va durer un moment, ils n'arrivent pas à se comprendre non plus. Au bout de trois tours de la rue, nous arrivons enfin à nous retrouver ! Mon chauffeur est ravi et soulagé, il ne se voyait pas annoncer qu'il m'avait perdue ! J'ai su à ce moment que son job était de me trimballer en voiture mais aussi de ne pas me perdre de vue.
J'ai donc un ange-gardien en Inde !




















notre rickshaw

1 commentaire:

  1. J'ai eu un chauffeur comme ça.
    Tout au début, alors que je m'aventurais en dehors des sentiers battus, je voyais bien que ça ne lui plaisait pas trop. Et un jour que je cherchais un magasin dans une ruelle bordée d'usimes désaffectées, le voilà qui descend de voiture et m'accompagne jusque la porte, protecteur....

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