Proverbe indien : Tout européen qui vient en Inde acquiert de la patience s'il n'en a pas et la perd s'il en a.


lundi 16 janvier 2012

Alerte au cylone Thane


Avant de partir en Inde, je ne savais pas grand-chose de ce pays… Je ne savais pas non plus que de temps en temps, (pas souvent aux dires des indiens), des cyclones passaient par ici.
Je vous présente le premier, Thane qui est passé dans la nuit du jeudi 29 au vendredi 30 décembre matin. Prévu sur Chennai, il s’est déporté plutôt sur Pondicherry où il a fait beaucoup de dégâts matériels mais aussi a provoqué une quarantaine de décès, souvent dus à des électrocutions (les installations électriques sont dans un état déplorable) et des effondrements de maisons.
L’alerte avait été donnée à Chennai qui est à 100 km de Pondicherry… Pêcheurs, bateaux, bicoques en bord de rivière et mer avaient été évacués et nous avions pour consigne du Consulat de ne pas sortir et de nous calfeutrer dans la maison.
Le jeudi soir, vers 23 heures, le gardien de nuit a sonné à la porte : « water is coming ! water is coming !». Le vent soufflait beaucoup dehors, la mer faisait un bruit d'enfer... ce qui avait dû le maintenir éveillé pour une fois !

Nous l'avions recruté le mois précédent (depuis il n'est plus là). C'était le premier qui, d'emblée, nous avait averti qu'il dormait la nuit, ce à quoi nous avions rétorqué que c'était un peu gênant pour un travail de garde de nuit.
"Mais sir, tous les gardiens de nuit dorment la nuit, c'est bien connu !". Nous  étions restés baba devant autant d'aplomb ! Gardien de nuit voudrait dire gardien qui dort la nuit ?Je ne pense pas qu'il aurait eu la même franchise avec un patron indien. A ce jour, après moult changements de gardes, nous sommes toujours aussi sceptiques sur l'utilité de la fonction, d'autant que nous avons déjà été cambriolés en plein jour sous le nez du gardien ! Ils sont censés ouvrir le portail, ne pas laisser rentrer qui que ce soit sans notre autorisation et surveiller.
Avant de venir en Inde, c'était incontournable, nous savions que nous devrions embaucher des gardiens (ici on les appelle des watchmen), à priori pour notre sécurité. D'ailleurs, ils étaient déjà là avant nous, tout comme le jardinier, recrutés par le manager déjà en place lui aussi : un gardien de jour et un gardien de nuit. En vérité, ils étaient plusieurs à défiler... La première semaine, un soir où un nouveau gardien était en place, JM n'avait pas pu rentrer... le garde ne le connaissant pas avait refusé d'ouvrir le portail. Le jeu avait duré un bon moment jusqu'à ce que JM arrive à réveiller le manager.


De mon côté, j'avais plutôt imaginé des types plutôt costauds, genre garde du corps.
La première fois que nous avons franchi la grille de notre nouvelle maison, c'est "le Colonel", environ 80 ans, peut-être 90, bacchantes blanches grisâtres, portant un vieil uniforme crasseux avec des galons à la dorure usée sur les épaules, une chemise à la couleur indéfinie dépassant de son pantalon non moins crasseux qui tombait en accordéon sur des tongs et une casquette militaire de sudiste, qui nous a ouvert la porte. Il s'est mis au garde à vous, position salut militaire main à la casquette, en bombant son maigre torse sur lequel était accrochée une médaille militaire dont nous ne saurons jamais s'il l'avait gagnée ou achetée avec l'uniforme...  



Même si je n'espérais pas être accueillie par un garde genre Kévin Costner dans Bodyguard (je ne me prends pas non plus pour Whitney Houston), la surprise a été totale.
Mathieu nous a fait remarquer de suite et très justement que si nous étions "attaqués" par des gangsters, ce serait plutôt à nous de lui venir en aide ...


Le deuxième a été surnommé "Passe-partout" car il ressemblait comme deux gouttes d'eau au personnage de Fort Boyard (le même en indien).
Le troisième, appelé la première journée "La Boule" a été très vite rebaptisé  "le siffleur". Lors d'un festival indien, nous avions entendu des sifflements toute la nuit que nous pensions venir de jeunes qui s'amusaient sur la plage en l'honneur du dieu Ganesh.
La nuit suivante, nous avions été de nouveau réveillés par des sifflements stridents à plusieurs reprises. Impossible de dormir plus d'une heure d'affilée ! N'y tenant plus, vers 4 heures du matin, je m’étais levée pour essayer de voir ce qui se passait : c'était notre gardien qui tournait autour de la maison tout en sifflant comme un forcené dans un sifflet. 
Nous avions passé le reste de la nuit à nous poser des questions sur la raison et nous avions conclu qu'il voulait effrayer les serpents dans la nuit (il y en a déjà eu dans le jardin).
Le lendemain, JM lui a expliqué tant bien que mal, le garde ne parlant que tamil, que nous ne pouvions pas dormir de la nuit. Nous avons été tranquilles la nuit suivante, mais la nuit d'après, il a fait une rechute...
Depuis peu, nous avons eu une explication sur les gardiens siffleurs... En fait, ils sifflent à la demande des propriétaires indiens qui veulent la preuve qu'ils ne s'endorment pas. Nous n'avons pas bien compris car du coup dans l'histoire, plus personne ne dort ! Bizarre.

Le dernier, "le jeune" était celui qui se rapprochait le plus de l'image que l'on peut se faire d'un garde.
Et puis il y en a eu d'autres...
Et pour tous, nous avons vite constaté que le gardien de jour ne gardait que la chaise sur laquelle il était assis et ne la quittait que pour ouvrir le portail et prendre son repas. A sa décharge, il n'y avait qu'une chaise et probablement il devait craindre de perdre sa place au jeu de la chaise musicale avec le jardinier et le chauffeur.


Le gardien de nuit, à son tour gardait la même chaise la nuit mais en dormant… Tout est codifié en Inde, nous n'avons pas les clés du portail, elles appartiennent aux gardiens (normal, ce sont les maitres des clés !) qui doivent ouvrir et fermer à chacun des passages de nos voitures. C'est leur travail et pas le nôtre ! Donc, quand nous rentrons un peu tard le soir, il faut être patients et attendre que le watchman se réveille au son des coups de klaxon rageurs du chauffeur ! Les gardes de nuit étant les plus âgés, ce sont aussi les plus sourds !
Nous en avons eu un qui dormait le jour, probablement parce qu'il gardait une autre maison la nuit... Je n'ai pas résisté à le prendre en photo, en pleine sieste dominicale (je sais, ce n'est pas bien de se moquer...)



Le plus difficile à supporter a été le garde zélé... Imaginez-vous dehors sur votre terrasse avec un gugusse qui tourne autour de vous toutes les demi-heures ou se sauve en courant car il vous a vu en maillot de bain. Vexant, mais on ne lésine pas avec la pudeur en Inde.  Nous avons vite craqué, moi en particulier... Ils sont maintenant interdits de présence quand nous sommes dans le jardin.
A notre arrivée, tous ces recrutements étaient assurés par notre manager omniprésent qui nous rappelait quotidiennement, qu'il était là pour nous rendre service. On ne risquait pas de l'oublier puisqu'il actionnait plusieurs fois par jour notre sonnette et sa femme, omniprésente elle aussi, travaillait dans la maison. J'avais la désagréable impression d'habiter chez eux. En fait, il ne manageait pas grand-chose ou bien si, il essayait de nous manager en essayant de nous soutirer le maximum d'argent.
Nous avons préféré nous passer de ses services et ceux de sa femme mais ils habitent toujours sur le terrain car ils sont logés par le propriétaire... Cherchez l'erreur !
Depuis, il y a eu beaucoup de changement et de renouvellement autour de nous et nous recrutons nous-mêmes les personnes qui travaillent chez nous. C'est un boulot à plein temps et ce n'est pas de tout repos (ceci doit faire l'objet d'un billet spécial mais en plusieurs chapitres !).


Le comportement des deux derniers, recrutés depuis le 1er janvier nous laisse un peu d'espoir. 2012 est une autre année !

La nuit, le garde est un papy d'au moins 90 ans à superbes bacchantes blanches avec un look de Biker, vous savez les bad boys des années 40 qui écumaient l’Amérique en Harley Davidson… sauf que lui n’arrive pas en moto mais probablement en rickshaw ou en bus : teint buriné, que dis-je, parcheminé, tenue militaire kaki, bandana aux couleurs du drapeau américain sous un chapeau cloche assorti à l'uniforme et magnifiques tennis. Lors de "l'entretien d'embauche", il a dit à JM qu'il était militaire retraité et qu'il avait un fusil avec lequel il avait tiré sur des gens pendant je ne sais quelle guerre. Ce à quoi JM lui a répondu qu'il ne pourrait pas tirer chez nous ! Cela l'a fait beaucoup rire ! Mine de rien, le premier soir, nous avons quand même vérifié qu'il n'était pas venu armé. Vous l'aurez deviné, nous l'avons surnommé "papy flingueur". La première nuit, nous n'avons pas beaucoup dormi, il nous a fait, lui aussi, le coup du papy siffleur... Quand JM lui a dit le lendemain qu'il nous empêchait de dormir, là aussi ça l'a fait rire.
Depuis, il ne siffle plus mais il fait des rondes en balayant l'intérieur de la maison avec la magnifique lampe de poche super puissante rechargeable que nous lui avons achetée... On a l'impression de dormir sur une ligne de démarcation surveillée par des patrouilles de militaires ou de faire l'objet d'une descente policière au petit matin... Cela surprend la première fois !
Hier matin, nous n'avons pas eu d'électricité pendant une heure en dehors de l'heure de coupure habituelle. En voulant éteindre une malheureuse loupiote dans le local électrique, il avait "trifouillé" tous les fusibles jusqu'à trouver celui qui éteignait la fameuse lampe... Il était content d'avoir réussi... Depuis, nous lui avons demandé de ne plus toucher à rien mais ce n'est pas gagné ! On peut ajouter également qu'il est sourd... il ne réagit qu'au troisième coup de klaxon du chauffeur... Mais il est sympa et pour le moment, il nous fait encore rire !
Celui de jour nous a dit qu'il était footballeur... on n'en sait pas plus. Il est plutôt sympathique pour le moment et parle deux mots d'anglais. De tous ceux que nous avons vus, ce serait le moins bizarre.
Pour revenir à notre alerte donnée par un de nos anciens gardiens....
Lampe torche à la main, JM est allé vérifier sur la plage et effectivement, le niveau de la mer démontée se rapprochait bizarrement du portail du jardin… ajouté à la force du vent, c’était quelque peu impressionnant !
A minuit, l’eau commençant à rentrer par les côtés du jardin et encore dans le souvenir du tsunami de 2004, pratiquement à la même date, pendant lequel nous étions en Thaïlande, nous avons décidé de quitter les lieux... Difficile de s'endormir en sachant que le niveau de l'eau montait aussi rapidement. Nous sommes allés passer la nuit à l’hôtel.
Quand nous sommes rentrés le lendemain matin, c’était la désolation dans le jardin et juste un peu d’eau dans la maison… Le niveau de la mer est monté de 1,5 mètre.

Donc rien de grave, vous l'aurez compris, ce billet était le prétexte pour vous parler de nos gardes et monter quelques photos prises le lendemain matin et le surlendemain avant le nettoyage du jardin...





















La mer en montant près de notre portail a dévasté la plage... photo prise du bord de mer



4 commentaires:

  1. Trop super ce post, on s'y croirait !
    J'ai bien ri. Merci.

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  2. Hello Marip, merci... et bienvenue sur Good morning Chennai !

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  3. excellent !
    tu as un don d'ecriture !
    florence

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  4. Merci Florence ? pour le compliment... mais c'est trop ! Ce qui est sûr c'est que ce blog est pour moi un exutoire ! En tapant les mots sur le clavier, je sais au moins que je ne rêve pas et que je suis toujours sur terre !

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